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Bibliothèque (1990-2022)

Au fil du Rhin mystique.

Lumières rhénanes, de Sainte Odile à Edith Stein

Auteur : Rémy Vallejo

Le thème de ce catalogue reprend une série d’expositions préparées et présentées à Strasbourg sur le thème du "Rhin mystique". Il ne s’agit pas directement d’art, mais de la spiritualité chrétienne qui s’est développée le long du Rhin pendant deux millénaires. Toutefois l’image est un des vecteurs essentiels de cet ouvrage, et cela à deux niveaux : - en tant document historique et production artistique, elle est bien présente sous toutes ses formes (peintures, gravures, dessins, esquisses, sculptures et architectures) pour dire la multiplicité de la présence chrétienne à travers les siècles. - Mais l’image est aussi présente en tant que contenu du message même. Elle n’est pas simplement un moyen pédagogique, elle a eu dans le christianisme - et plus particulièrement dans la "mystique rhénane" - une place privilégiée en tant que vecteur des émotions, médium facilitant trois types de relation : entre l’Humain et Dieu, entre Dieu et l’Humain, entre l’Humain et lui-même.
Deux types d’images spirituelles se détachent dans ce foisonnement : les visions cosmographiques de Hildegarde de Bingen au 12e siècle : "Ce que j’écris, je le vois et l’entends en vision (...). Dans cette vision, les mots ne sont pas comme des mots qui retentissent sur les lèvres de l’homme, mais comme le flamboiement de l’éclair ou comme le nuage qui s’avance dans un air pur" (p. 5’). Mais ce sont aussi les visions plus néoplatoniciennes des grands mystiques rhénans, Maitre Eckhart (1260-1328) et ses disciples Jean Tauler (1300-1361) et Henri Suso (1295-1366). Ainsi Tauler recommande-t-il de "dépasser toutes les images, les formes particulières et les symboles", car "l’homme doit se servir de ces images pour s’élever par elles au-dessus d’elles et passer des pratiques extérieures et sensibles pour rentrer en lui-même, dans le tréfonds où est en vérité le Royaume de Dieu". Deux conceptions de l’image donc, au service d’une même cause : la connaissance de Dieu dans l’intimité de son moi-intérieur.

La mystique rhénane a aussi produit nombre d’œuvres d’art à travers les grandes cathédrales qui longent le Rhin (Bâle, Fribourg, Strasbourg, Cologne...) ou des thèmes iconographiques prisés dans ce Moyen Age mystique comme l’opposition entre l’Eglise et la Synagogue, ou Jésus et Jean (Jean posé sur le sein de Jésus). Impossible de les nommer toutes. L’une des plus étonnantes œuvres graphiques sont les 28 calligrammes du De laudibus sanctae crucis de Raban Maur (780-856) qui, à l’époque carolingienne, mêle dessins, textes, acrostiches, et hexamètres en un carmen figuratum, un poème-image.

La tradition protestante n’est pas oubliée dans ce florilège, avec des rubriques consacrées à "Martin Bucer et la Réforme", "Martin Luther et la Theologia Deutsch" (l’ordre aurait du être inversé), "Philipp Jacob Spener et le piétisme luthérien", "Jean-Sébastien Bach à l’écoute de Jean Tauler", "L’art de peindre de Caspar-David Friedrich", "Jacob Lenz et le Sturm und Drang", "L’œuvre sociale du pasteur Oberlin à Waldersbach" (là encore, l’ordre aurait dû être inversé), enfin "Albert Schweitzer et le ’respect de la vie’".

Ceux qui n’ont pas eu la chance de voir, au cours des ans, les expositions organisées par "Le Rhin mystique" - la figure du dominicain Rémi Valléjo se cache derrière ces initiatives et recherches tant historiques que plastiques - se consoleront avec ce catalogue d’une grande qualité à la fois iconographique, historique et littéraire.

Jérôme Cottin