5 colloques internationaux : Paris, Strasbourg, Florence, New Haven (Yale), USA, Orleans (Community of Jésus), USA
Une série de 5 colloques sur le thème Arts et Œcuménisme à Paris : 12-13 mai, à Strasbourg : 19-20 mai, à Florence : 25-26-28 mai, à New Haven, Connecticut : 20-21 octobre et Orléans, Massachussetts : 27-28-29 octobre 2017 .
L’équipe de pilotage de ces 5 colloques est constituée de :
– Jérôme COTTIN, professeur à la faculté de théologie protestante, Université de Strasbourg, et enseignant à l’ISTA, Theologicum, ICP, Paris
– Denis HETIER, professeur, directeur de l’Institut supérieur de théologie des arts (ISTA) du Theologicum de l’Institut catholique (ICP) de Paris
– Denis VILLEPELET, professeur émérite, ancien directeur de l’Institut supérieur de théologie des arts (ISTA) et de l’Institut supérieur de pastorale catéchétique (ISPC) du Theologicum de l’Institut catholique (ICP) de Paris
– Timothy VERDON, professeur d’histoire de l’art, spécialiste de la Renaissance florentine, Directeur du Museo dell’Opera del Duomo de Florence, Italie. Fellow à la Harvard University, Center for Renaissance Studies, Enseignant à Stanford University, USA.
Problématique générale du colloque
Les arts en général revendiquent leur autonomie au nom même de leur exigence de liberté et de vérité. L’acte de création artistique est, en son geste libre, une quête de vérité. Dans une lettre à son ami Stassov, le musicien Modest Moussorgski évoque « la vérité à bout portant ». Les artistes cherchent la vérité en chair et en os, une vérité mise à nu, dépouillée de toute rhétorique ou ornement. Les arts sont en prise avec le réel, tel qu’il est ; ils expriment des questions anthropologiques fondamentales. Mais cette vérité « nous enclot dans l’immanence » (Jean Louis Chrétien, L’arche de la parole, Paris, Puf, 1998, p.105 à 149). Elle nous voue au monde et seulement au monde. Pourtant quand les arts donnent chair à la présence forte de la vulnérabilité humaine et de sa finitude, ils résonnent fortement avec la figure du crucifié. Le corps à corps créateur avec la matière qui fabrique des compositions musicales, des tableaux de peintures, des édifices architecturaux, des vidéogrammes ou des jeux de théâtre peut aussi, « envoyer vers Dieu » (Jean Louis Chrétien, op. cit. p.146).
Entre la quête de vérité qui prend chair dans l’acte de création artistique et l’accomplissement de la vérité en et par Jésus Christ, retentit plus d’une résonnance. L’art et la théologie s’interpellent.
Pourtant, l’union de ces deux mots peut poser problème. En effet, que peut-il y avoir de commun entre une pratique artistique et créatrice et une pratique discursive et analytique ?
L’écueil principal à éviter est certainement l’instrumentalisation de l’art par rapport à la théologie. L’art est au service de la théologie. L’art resterait subordonné à la visée théologique que nul ne remet en cause en tant que telle. La théologie évolue certes mais en son ordre propre et en toute autonomie. La foi chrétienne reste une réalité permanente parce que transcendante dont la théologie préserve l’intégrité en en éclairant le contenu. Les arts ne feraient que prolonger la main du théologien, et seraient réduits à n’être que des outils pédagogiques comme l’affirmait déjà le pape Grégoire 1er . Une telle perspective est insuffisante. En effet, les arts, au sein même de l’expérience esthétique qu’ils proposent, ont leur champ spécifique de compréhension et leur fécondité théorique, ils sont capables d’élaborer leur propre représentation religieuse du monde. En cela, ils sont véritablement capables d’interroger le théologien. Il peut ainsi s’établir entre les arts et la théologie, une authentique relation dialogique.
Si nous gardons aux arts et à la théologie leur caractère propre, il nous semble que leur dialogue est de facture herméneutique en deux sens : la création artistique peut être considérée comme une herméneutique en acte de la foi chrétienne et la théologie comme une herméneutique des expressions artistiques parce qu’elles parlent dans la foi chrétienne et sont possiblement des chemins vers Dieu.
Ce colloque, se déroulant l’année de la célébration Ve centenaire de la Réforme (1517-2017) réunissant des facultés catholiques et protestantes, inscrit sa recherche dans une dimension œcuménique.
Un travail de recherche autour du geste créateur de l’artiste a rendu manifeste l’importance des figures du souffle et de l’oiseau. En effet, en poésie ou en peinture, en sculpture ou en musique, et dans d’autres arts, ces deux figures évoquent l’acte même de la création artistique, sa nécessité, son appel, son mouvement, son ouverture.
La présence la plus vive de l’oiseau n’est-elle pas celle d’un « apparaître », d’un chant, d’un « envol » ? Ainsi, l’oiseau devient-il une expression de l’ « inaugural » et de l’ « accomplissement ».
La mise en lumière des figures du souffle et de l’oiseau dans les arts invite à réinterroger leurs significations comme figures bibliques de l’Esprit-Saint et à se ressaisir du discours théologique et pneumatologique.
Ce colloque voudrait donc proposer la mise en œuvre d’une théologie de l’Esprit-Saint au risque de la création artistique.
Ce colloque sera l’occasion de présenter, d’approfondir et de questionner le geste théologique que l’Institut Supérieur de Théologie des Arts signifie au sein du Theologicum - Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses de l’Institut Catholique de Paris.
Le risque de la création artistique sera exploré à partir de trois moments clés de l’histoire de la théologie : dans les écrits bibliques d’abord, où l’on verra que déjà dans l’Ancien Testament l’ « image » (et pas simplement l’idole) est présente comme lieu de sens, et se situe au cœur de la structure d’alliance. Puis dans la mystique rhénane (13e-15e siècles), qui a préparé et annoncé la Réforme, enfin à la Réforme (16e siècle), qui vit s’exprimer des positions contradictoires et conflictuelles autour des images, mais qui sont relues aujourd’hui comme des expressions d’herméneutiques amplifiantes visant à déployer la Parole dans le monde de l’imaginaire, des émotions et des médiations.
On se demandera si ces images narratives constituent des moments clés de la réception et de l’actualisation d’une Parole originaire qui échappe à toute représentation, ou si elles préparent et préludent à la naissance d’ « images » qui, comme Paroles, ouvrent une brèche dans l’horizon du monde.
Dans cette exploration, on n’en restera pas simplement aux textes, mais on fera parler les images de ces différentes périodes et – si c’est possible – les motivations de leurs auteurs.
Les arts, qui dans les civilisations historiques naissent comme expression du sacré, sont des occasions de réflexion et des outils de communication aussi bien à l’intérieur des pensées théologiques de la foi qu’ils veulent servir, qu’à l’extérieur, en s’offrant toujours comme stimulateurs de l’expérience spirituelle et clés de lecture du transcendant. En conséquence, on peut parler d’une « vocation théologique » des artistes, particulièrement évidente chez les maîtres de la fin du Moyen Age et de la Renaissance, encore liés à la religiosité populaire et à l’institution ecclésiale.
Ainsi, dans le contexte d’un Colloque en plusieurs étapes, centré sur le rôle de l’art dans les différentes traditions chrétiennes, de la Réforme à aujourd’hui, l’étape florentine fera le point sur l’héritage du passé ; de l’icône orientale au « nouvel » art créé à Florence à l’époque de Arnolfo di Cambio et de Giotto, qui se sépare du style byzantin antérieur en articulant un langage visuel ouvert, à la théologie chrétienne occidentale des XIIIe, XIVe et XVe siècles.
Les thèmes clés de la session florentine seront : le sens de l’art de l’Eglise d’Orient, le sens du nouveau naturalisme florentin du Moyen Age tardif, la redéfinition de l’art et du rôle des artistes à la Renaissance, l’art et la Réforme et de la Contre-réforme, le rôle de l’architecture dans l’identité ecclésiale.
A Florence, dans l’espace d’exposition du musée de l’œuvre de la cathédrale, se trouvera une exposition de deux artistes contemporains, Suzan Kanaga, américaine et protestante, et Filippo Rossi, italien et catholique.
L’étonnante pluralité des traditions religieuses présentes en Amérique du Nord a donné vie à une toute aussi vaste gamme d’expressions artistiques. Celles-ci sont encore aujourd’hui influencées par des pratiques héritées du passé, et par des personnes et communautés qui mettent souvent en question les notions de normativité, canon ou autorité.
La session de l’Université de Yale exposera une série d’études de cas particuliers illustrant une telle pratique, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des contextes liturgiques spécifiques. Cela, en proximité avec les travaux faits par nos collègues à Paris, Strasbourg et Florence, et en se réjouissant à l’idée d’un échange stimulant de pensées.
Parmi les différentes expériences chrétiennes ouvertes aux arts et à la musique hier comme aujourd’hui, la vie monastique a une importance particulière, dans la mesure où la dimension contemplative prédispose à un acte créatif libre, dans lequel se rencontre la présence du Saint-Esprit.
Ainsi, la dernière session du Colloque en cinq parties se déroulera dans un monastère œcuménique de la tradition bénédictine, la Communauté de Jésus (Community of Jesus), connue pour son engagement dans les domaines de la musique sacrée et de l’art. La session combine des interventions scientifiques avec des exemples de productions d’art contemporain et de performances musicales, à l’intérieur du cadre typiquement monastique de la solennité de la célébration liturgique.
Dans le monastère de la Communauté de Jésus se trouvera une seconde édition de l’exposition œcuménique inaugurée le mois de mai à Florence, avec des œuvres de Suzan Kanaga, américaine et protestante (membre de la Communauté de Jésus), et Filippo Rossi, italien et catholique romain.