Paderborn - München - Wien - Zürich : Ferdinand Schöningh, 2004. 242 p.
Auteur : Alex STOCK
Ce volume de la collection „Ikon Bild + Theologie“ est issu de la réflexion sur la « Bildtheologie » (« Théologie en images », ou « théologie de l’image ») dans le cadre de la faculté catholique de l’université de Cologne où l’a., qui est l’un des spécialistes catholiques de l’image chrétienne en Allemagne, enseigna.
Il s’agit en fait d’un recueil d’articles réunis ici, ce qui donne un aspect assez hétéroclite à l’ensemble, d’autant plus que l’a. n’a pas cru bon d’unifier le tout par une introduction ou une conclusion à l’ensemble. Dommage.
Les articles présentés sont denses, et témoignent de la largeur du champ d’investigation. On peut les regrouper sous trois thématiques :
Une réflexion sur le statut théologique de l’image, et plus particulièrement de l’image dans la piété catholique. Plusieurs aspects de l’image chrétienne non pris en compte - et pour cause - dans une approche protestante, sont ici mis en avant : l’image comme objet de piété, la relique, l’image de pèlerinage, l’objet cultuel, l’image de propagande, la sensualité des images, sont des aspects qui ressortissent tous du domaine de « l’image », et qui sont ici clairement assumés et étudiés. A passage, l’a. présente à plusieurs occasions la thèse du livre de Hans Belting, Image et culte, pour la relativiser. Contrairement à ce que dit Belting, l’image, à partir de la Renaissance, n’a pas cessé d’être un objet cultuel. Elle l’est restée, de manière certes plus marginale, mais réelle. Il suffit d’observer les pèlerinages et multiples objets de dévotions dans la religion populaire, pour que l’on constate que ce phénomène existe toujours, et qu’il témoigne d’une foi certes populaire, mais vivante.
Une seconde thématique concerne le statut de l’art à partir du 20e siècle. Est-il encore religieux ou à quelles conditions peut-il encore l’être ? L’a. ne sous-estime pas la rupture fondamentale de la modernité esthétique, qui a évacué le religieux. Il en vient parfois à regretter que les musées changent notre lecture d’une œuvre d’art, qui d’objet de piété qu’elle était, devient uniquement objet de contemplation esthétique. Mais le religieux de l’oeuvre n’est pas évacué pour autant. Il réapparaît sous d’autres formes : dans la « mémoire » religieuse d’œuvres contemporaines, dans une anthropologie ouverte au sacré (l’humain est, fondamentalement, religieux), dans la persistance de certains thèmes chrétiens dévoyés ou réemployés et qui survivent à leur disparition (chez des artistes comme Tapiès ou Beuys par ex.) ; enfin dans le contexte même d’exposition des œuvres dans les musées, lesquels deviennent souvent les nouveaux temples de l’art. Ils sont les lieux d’une expression sécularisée du sentiment religieux qui, faute d’avoir pu s’exprimer dans le cadre des Eglises, se vit ailleurs, dans la rencontre énigmatique et personnelle entre une œuvre et celui qui la contemple. Entre méditation religieuse et contemplation esthétique, il y a des liens croisés, qui vont au-delà du sujet de l’œuvre pour concerner le rapport entre l’objet, la personne, et le contexte d’exposition.
Enfin, l’ouvrage se consacre à l’étude d’un certain nombre de sujets ou d’œuvres précises. Cet ouvrage très théorique sur les relations entre l’art et le catholicisme, devient alors un manuel d’iconographie chrétienne, avec l’étude d’œuvres comme l’Annonciation de Rogier van der Weyden (15e s., Louvres), un De Profondisde Rouault (1939, Musée Underlinden, Colmar), des images de S. Jérôme, ou encore l’étude de Bibles catholiques illustrées. On notera également une intéressante étude, représentative du climat culturel et religieux Outre-Rhin, sur les conflits autour de la réception des crucifix dans les lieux publics en Allemagne que l’a. qualifie de « reste symbolique didactique » « Eine symboldidaktische Nachlese ». Quelques œuvres littéraires, théologiques ou mystiques sur l’image sont aussi analysées, comme le « De visione Dei » de Nicolas de Cues.
Un théologien protestant se sentira à la fois proche et éloigné de ces problématiques autour de l’image chrétienne : proche, car nous sommes en régime de chrétienté occidentale où l’image entretient une relation dialectique, parfois conflictuelle, avec les textes et la parole, mais éloigné, car des nombreux usages (liturgiques et dévotionnels) de l’image nous restent étrangers.