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Bibliothèque (1990-2022)

Le cinéma, invitation à la spiritualité

Auteur : Michèle DEBIDOUR

Le cinéma est à la fois l’un des médias visuels les plus populaires, et celui qui véhicule le plus de spiritualités. Mais quelles spiritualités et qu’est-ce que la spiritualité ? L’un des points forts de cet ouvrage, est qu’il ne perd pas trop de temps à définir des concepts indéfinissables. Il part du média lui-même, de ses techniques, de ses spécificités, pour explorer une quarantaine de films récents dans leur rapport avec la spiritualité. Une soixantaine d’autres films sont évoqués, ce qui est un choix non négligeable. On pourrait définir trois niveaux de spiritualité au cinéma :

 Une spiritualité liée au pouvoir évocateur du film lui-même, dans sa construction, le choix des images et des plans. Le film n’a en soi rien de religieux, mais les images autant que le scénario renvoient à plus qu’à eux-mêmes, ont une densité métaphorique ou symbolique particulière.

 Une spiritualité « religieuse », qui renvoie soit à des grandes religions (judaïsme, bouddhisme, islam) et pas simplement au christianisme, soit à des idéaux (politiques, militants) proches de ce qui est vécu religieusement, soit à des grands symboles (arbres, croix, eau, feu, terre, nature..) qui sont religieux dans la mesure où ils sont à la fois universels et archétypaux.

 Enfin, un religieux plus spécifiquement chrétien, qui s’exprime dans le choix du thème et des références bibliques (films sur Jésus, Moïse), des personnages de l’histoire chrétienne, connus (François d’Assise, Sainte Thérèse, Jeanne d’Arc), ou anonymes (un curé de campagne, une sœur ou un frère d’une congrégation, une communauté pieuse, un pasteur, un simple croyant). La pratique religieuse peut être montrée de manière caricaturale et humoriste, ou objective et documentaire, ou parodique et dénonciatrice.

 L’a. en vient à classer les films à dimension religieuse sous trois catégorie : l’implicite, l’explicite et le paradoxal. Par paradoxal, elle entend en fait « ambivalent », quand le film montre à la fois des figures qui ont une densité religieuse bien que profanes, et des communautés certes religieuses, mais qui montrent surtout les dérives idéologiques, intégristes de communautés fermées sur elles-mêmes, refusant les acquis de la modernité : Jésus de Montréal (1989) de Denis Arcand, et Le festin de Babette (1986) de Gabriel Axel, montrent bien ce paradoxe évoqué.

Plutôt que de présenter les films en une succession chronologique ou alphabétique, l’a. les a insérés dans des thématiques diverses, qui constituent autant de chapitres : le « double sens » de l’image cinématographique (chap.1) ; l’image au cœur de la vie (chap. 2) ; vérités et mensonges de l’image (chap. 3) ; le cinéma, lieu du symbolique (chap. 4) ; la narration comme expression spirituelle (chap. 5) ; la spiritualité du quotidien (chap. 6) ; au service de cultures et expressions religieuses non occidentales (chap. 7) ; figures de croyants (chap. 8) ; la spiritualité chrétienne (chap. 9) ; la quête mystique d’Andrei Tarkovsky (chap. 10).

Certains films sont plus longuement étudiés, de manière fine et nuancée. L’a. ne tombe ainsi pas dans le piège de faire de Breaking the waves (1996) de Lars von Trier un film chrétien (pp. 63-72), s’attarde sur Conte d’hiver (1992) d’Eric Rohmer (pp. 108-112), et décrypte les différents symbolismes populaires et pourquoi pas chrétiens du Fabuleux destin d’Amélie Poulain (2000) de Jean-Pierre Jeunet (pp. 75-77 et 80-85).
Un livre équilibré, pédagogique et documenté.

Jérôme COTTIN