Bulletin de l’équipe RESEA (Religion, Sociétés et Acculturation), Université de Lyon 3. Numéro spécial, n°1.
Yves Krumenacker (éd.)
Acte du colloque aux Archives municipales de Lyon, les 16-17 octobre 2009, organisé par l’équipe RESEA, avec le soutien de l’Institut universitaire de France et de l’Eglise réformée de Lyon.
Revue également disponible en ligne à l’adresse : http://chretienssocietes.revue.org/
Cet ouvrage, qui paraît sous une double format (papier et virtuel), constitue les actes d’un colloque sur le protestantisme et la création artistique, qui eut lieu à Lyon pendant "l’année Calvin" de 2008, et qui accompagna une magnifique exposition aux archives municipales de Lyon intitulée "Lyon 1562, capitale protestante".
Le maître d’œuvre de ce double projet fut l’historien Yves Krumenacker, auteur d’un Calvin au delà des légendes (Paris, Bayard, 2008) dont la réputation de très bon connaisseur de Calvin et du calvinisme n’est plus à faire.
Alors qu’en général on s’intéresse surtout à l’éthique calvinienne, il était original et bienvenu de montrer que la pensée de Calvin eut aussi des conséquences esthétiques, dans la mesure ou, bien que fermée à l’image plastique (en fait à l’idole, c’est-à-dire à l’image religieuse dans le cadre d’une théologie des mérites et des œuvres), elle est ouverte à l’esthétique, y compris visuelle. Cette première thématique fut celle de mon intervention, de nature théologique et sémiotique.
Les autres contributions sont plus historiques, et s’intéressent aux effets possibles de la pensée protestante réformée sur la création artistique, à travers les siècles. Les exemples retenus sont loin d’être exhaustifs, mais ils sont représentatifs de la diversité et de l’originalité de la création artistique réformée. On découvre aussi des artistes ou interprètes inattendus. Le contexte lyonnais est évidemment privilégié, avec deux lyonnais étudiés, le brodeur, peintre et graveur Pierre Eskrich (1550-1580) (contribution de Vanessa Selbach), et la figure de l’antiquaire humaniste protestant Jacob Spon (1670-1680), (contribution de Yves Moreau).
Un article sur le Psautier s’imposait dans ce cadre (Jean-Michel Noailly "le Psautier des églises réformées au 16e siècle"). Coté littéraire, une seule contribution, qui fait place à la poésie protestante après la Révocation de l’Edit de Nantes (Julien Goeury sur "la poésie religieuse des protestants français à l’âge classique, entre évidence et dissimulation). On regrettera de ne pas avoir dans les Actes la contribution orale de Patrick Cabanel sur la littérature protestante, lui qui a le verbe poétique facile, en particulier quand il parle des Cévennes.
L’article d’Hélène Guicharnaud, à propos d’une relecture "protestante" de La Transfiguration de Raphaël par Athanase Coquerel semblera un quelque peu apologétique à certains. En tous cas le titre : "La Transfiguration, un tableau protestant ?" aurait dû être évité.
Enfin, pas moins de trois articles sont consacrés aux temples protestants (Y. Krumenacker, B. Reymond, C. Souchon), ce qui est assez représentatif de l’émergence de cette nouvelle thématique dans le protestantisme, et plus largement le christianisme. Il était original et habile de présenter la grande époque de la construction des temples protestants (le 19e) sous l’angle des archives (article de C. Souchon) : les temples construits à cette époque ne sont pas des modèles esthétiques, hélas.
Le colloque s’est limité aux expressions artistiques protestantes en France, en laissant délibérément de côté les cantons réformés suisse et l’Alsace, ce qui a le mérite de monter que, même en situation de clandestinité, le protestantisme n’a pas cessé de penser esthétiquement - ou plus exactement plastiquement et sensitivement - la foi évangélique.
Dans ce cadre, une contribution sur les poteries de Bernard Palissy aurait été la bienvenue, et aurait contribué à élargir le champ de la création artistique réformée, qui tend à privilégier les éléments et décors de la vie quotidienne sur le merveilleux, le miraculeux et le fantastique.
Ce ouvrage vient compléter utilement celui d’un autre colloque sur le même thème ("Les Protestants et la création artistique et littéraire"), qui eut lieu dans l’Université d’Artois en 2004 (actes publiés en 2008).
Jérôme Cottin