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Bibliothèque (1990-2022)

Croyances et sacré au cinéma

Auteurs : Agnès DEVICTOR & Kristian FEIGELSON (éds.) et 38 autres auteurs

Une quarantaine d’auteurs, tous spécialistes du cinéma, mais appartenant à différentes disciplines, ont participé à ce recueil sur le thème des croyances et du sacré au cinéma.

Dans cette même collection (CinemAction), deux autres ouvrages avaient déjà traité de ce thème :
 "Le film religieux", CinemAction n°49,
 "Christianisme et cinéma", CinemAction n°80, 1996

Par rapport à ces précédents numéros, le changement est de taille : il ne s’agit plus simplement du religieux mais des croyances et du sacré, et plus simplement du christianisme, mais aussi des autres religions. On est passé à l’ère de l’interreligieux. Le christianisme continue toutefois à se tailler la part du lion, puisque une bonne dizaine d’articles étudient son influence sur le cinéma. Mais bien d’autres thématiques liées au sacré sont également traitées.

L’ouvrage est structuré en trois parties :
 d’abord (1ère partie) "le dispositif cinématographique : magie et croyances" (pp. 22-85). Il est question du fait que le cinéma en tant que tel suscite des croyances. Il est traité du rapport religieux entretenu avec Hollywood (ou créé par lui), de la mystique du cinéma, des études (celle de Bazin par ex.) qui abordent le cinéma sous l’angle de la croyance, des stars comme possibles figures religieuses, de la figure du diable et de la dimension "sacrée" (c’est-à-dire "à part", radicalement autre, de la Shoah.
 Puis (2ème partie), il est traité des "Divinités et figures du monothéisme au cinéma" (pp. 86-155). C’est là que l’on rencontre plusieurs articles consacrés au christianisme (dont un, du soussigné, sur "Citations bibliques au cinéma"). La Passion du Christ, le rôle des icônes dans le cinéma orthodoxe, la relation visible/invisible, sont entre autres, traités. Mais aussi une perspective juive, deux musulmanes, ainsi que "les griots au cinéma", ou "figures populaires du sacré dans le cinéma comique".
 La troisième partie "Mises en scènes du sacré : films et auteurs emblématiques" (pp. 156-236), s’attache à des productions particulières. Sont analysés les (ou des) films de : Tarkovsky, Paradjanov, Dreyer, Bresson, Pasolini, Kiarostami, Rossellini, Resnais, Kieslowski, Visconti (avec les "figures du mal", qui constituent un anti-sacré), Bergman, Godard, Lars Von Trier, Shuamalan.

On regrettera que le cinéma coréen, à la fois de qualité, prolixe et largement ouvert à la problématique du sacré (chrétien et/ou bouddhiste) ainsi que le cinéma indien soient si peu représentés. Mais il apparait clairement que le centre de gravité se déplace, de l’Europe et l’Amérique du Nord vers d’autres aires géographiques, en particulier l’Orient et le Moyen Orient.

On aura certes parfois l’impression que tout est sacré, et que derrière ce mot on peut mettre tout sentiment, toute émotion forte, toute notion de transcendance, toute dimension "épiphanique". Mais cela rejoint l’une des approches de la première partie, selon laquelle le cinéma relève du sacré, à la fois dans sa technique, sa réalisation et dans sa projection (un public silencieux plongée dans le noir).

Mis à part quelques articles dont on sent qu’ils ont été écrits un peu rapidement, l’ensemble est de grande qualité, et renouvelle une problématique aussi ancienne que le cinéma lui-même.

La bibliographie, vraiment très sélective et assez hétéroclite aurait pu être plus ciblée et plus complète (et ne pas se limiter aux seuls ouvrages en français).

Dommage que l’ouvrage ait été écrit et ait paru avant Des hommes et des dieux (2010), de Patrick Chéreau. Ce sera pour le prochain numéro de CinemAction sur ce thème...dans quelques années.

Jérôme COTTIN