Reinhard HOEPS (éd.), Handbuch der Bildtheologie. Band I : Bild-konflikte, Paderborn-München-Wien-Zürich, Ferdinand Schöningh, 2007. 420 p. 22 cm. ISBN 978-3-506-75736-4. € 44,90.
Auteurs : Reinhard HOEPS (éditeur du livre), et une dizaine d’autres auteurs.
Cet important volume broché constitue le premier tome d’une encyclopédie de la théologie de l’image. C’est dire la nouveauté et l’importance du projet, conduit par R. Hoeps, Professeur de la faculté de théologie catholique de l’Université de Munster en Westphalie, spécialiste des questions d’image. Quatre francophones (Boespfug, Christin, Spieser,Wirth) participent à ce projet éditorial, de fait franco-allemand.
Le premier de ces quatre volumes est dédié aux « confits d’images », à l’intérieur du christianisme. Selon une ligne déjà explorée par H. Schwebel , il s’agit de proposer une approche de l’art en christianisme à travers l’histoire des conflits autour des images. Les lieux de tension et de conflits ne manquent pas, depuis les origines, jusqu’à l’époque contemporaine, même si la nature, le contexte et l’objet de ces conflits changent. Il faudrait d’ailleurs plutôt parler de tensions que de conflits, et même de tensions fécondes, car c’est souvent dans l’écart entre la nomination et la figuration que se révèle le sens créatif de l’œuvre figurée. L’ouvrage explore également les différentes relations possibles entre le représenté et l’objet, que celui-ci soit la nature, la divinité ou le Dieu du christianisme : les différences entre mimesis, re-présentation, figuration, l’artefact, imago, copie/modèle révèlent ainsi non seulement des conceptions différentes de ce qu’on nomme - faute de mieux - « image », mais aussi des conceptions différentes du rapport de l’image au sacré/à Dieu.
Contrairement à la conception orientale de l’image, les conflits autour des images dans le christianisme occidental participent de la richesse - mais aussi de l’ambigüité - de la notion d’image dans ses rapports possibles au christianisme. D’où la nécessité non de les taire et de les minimiser, mais de les mettre en évidence puis de les expliquer. Non seulement l’image est une notion flottante, dont la définition est liée à des conceptions philosophiques et théologiques différentes. Elle est également culturellement située (quel rapport entre l’image gréco-latine, l’image médiévale, l’image qui naît à la Renaissance, et enfin la création visuelle contemporaine ? on pourrait dire aucun, mais en même temps il y a aussi des continuités derrière les ruptures). Il y eut aussi les oppositions (classiques) entre la pensée de l’image par les théologiens, la fabrication plastique des images par les artistes, et leur réception (très différente) à la fois dans des cercles cultivés, et dans la pratique populaire et dévotionnelle. Et comme si ces écarts n’étaient pas suffisants, s’ajoutent aussi les fractures confessionnelles, non seulement entre Orient/Occident, mais surtout entre catholicisme et Réforme puis, plus récemment, entre christianisme et sécularisation. Cela fait beaucoup de niveaux de compréhension différents à mettre en évidence, puis à articuler entre eux.
Cet ouvrage réussi le tour de force d’expliquer le problématiques sans tomber dans la seule visée pédagogique, et de proposer une vision panoramique et chronologique sans simplifier les problématiques.
Cinq articles (Niehr, De Santis, Gniffke, Stock, Spieser) concernent l’Antiquité et l’Antiquité tardive, ce qui montre à quel point la naissance de l’image chrétienne est tributaire de la culture antique, sans laquelle le christianisme - à la fois dans la pensée, dans ses écrits et dans ses images - n’aurait pu acquérir cette universalité nécessaire à son développement, à sa réception et à sa compréhension.
Trois articles sont consacrés à l’image autour de la Réforme (Wirth, Lentes, Boespflug/Christin). On retiendra particulièrement celui de Lentes consacré au changement de statut de l’image - « Entre adiaphora et artefact » - à l’époque de la Réforme : les positions de Zwingli et de Bucer sont soigneusement présentées ; on découvre que, sur l’image, Calvin doit beaucoup à son aîné et compagnon strasbourgeois, Bucer.
Quatre articles parlent du nouveau statut de l’art né avec le romantisme allemand, à la fois philosophiquement et esthétiquement (Scholtz, Franke, Hoppe-Sailer, Hoeps). On retiendra celui consacré à la double compréhension de l’art dans la pensée à la fois philosophique et théologique de Schleiermacher. Enfin trois articles consacrés à l’époque contemporaine (Stock, Rauschenberger, Boespflug). Celui de Rauschenberger, qui dirige une galerie d’art contemporain « en contexte chrétien » à Graz en Autriche , a le mérite de ne rien taire des énormes difficultés qu’il faut surmonter pour créer les conditions d’un début de dialogue entre artistes et christianisme aujourd’hui (tellement ce dialogue manqua, et fut jusqu’à très récemment rejeté par les
Traduit en français, cet ouvrage constituerait une utile source de documentation et de réflexion, et permettrait de préciser les termes, les débats, les objets et lieux de ce conflit constructif autour des images en relation avec le christianisme.
Jérôme COTTIN