Isabelle TOURNOUD est artiste plasticienne. Elle vit et travaille en Région parisienne.
Les travaux d’Isabelle Tournoud ont eu droit à une présentation élogieuse d’une page, dans Télérama-Sortir n°3044, 14 mai 2008 : article : "La nature sur la peau", p. 12
Ce compte-rendu de l’intervention de Isabelle Tournoud a été rédigé par Martine Grenier.
Présentation rapide de sa recherche par J. Cottin.
Mise en évidence de 2 axes :
– autour du rapport entre l’homme et la nature : fragilité de l’homme, précarité de la vie incarnée dans l’association de l’homme et du végétal.
– Enveloppe, présence d’un corps évoqué dans son absence, rapprochement sensuel entre la peau végétale et l’épiderme humain.
Réponse et développement d’Isabelle :
Mise en avant de son intérêt pour l’Arte Povera fondé sur l’utilisation de matériaux naturels, trouvés ou pauvres, les œuvres sont exposées en galerie. Dans le Land Art, les oeuvres s’inscrivent dans la nature et sont exposées dans la nature.
TITRE : Chemise de lune, 2008
Petite robe en monnaie du pape, mpreinte d’un corps de femme. Sorte de chemise de nuit dite chemise de lune (pleine lune).
Les titres sont conçus comme des pistes de réflexion et de rêve.
Le détail du végétal est impliqué dans la forme de la figure initiée- la poétique du matériau génère la sculpture - cette rencontre est au départ de la création.
Lors de sa réalisation, le matériau est collé sur un support - un mannequin - puis il sera ôté. Les filaments de la monnaie du pape expliquent les lignes qui font penser à des fils. La sculpture a une taille humaine.
TITRE : Dans la peau d’un ange,2007
Le corps grandit - sorte de mue de l’enfant - abandon de la première peau.
Présentation horizontale comme sur un lit - c’est différent de la robe qui était suspendue- mise en évidence de la fragilité du nouveau-né.
TITRE :Corset en feuilles d’eucalyptus
PARADOXE : Le corset contraint, empêche la respiration, tandis que la feuille guérit, libère la respiration.
Enveloppe de la forme d’un corps absent, seconde peau - fragilité et en même temps carapace protectrice de l’extérieur- CE CORSET SYMBOLISE UNE interface ENTRE LE MONDE intime/ ET LE MONDE extérieur.
Les rivets qui lient les feuilles entre elles sont posés quand elles sont encore fraîches - Passage du vert au gris - le parfum demeure encore aujourd’hui.
TITRE : Eulalie,2006
Robe de roseaux de chine 2005. Les roseaux sont cousus brins par brins sur un tissu - vêtement interface intime/extérieur, cette idée renvoie à l’Albatros de Baudelaire. Ailes et racines.
TITRE : Manteau en peau de roseaux,2007
Manteau végétal collé sur tissu : Trouver le réconfort au sein de la nature.
Les grandes manches sont à la fois des racines qui renvoient à la terre et symbolisent le poids de la vie.
Absence de corps - nécessaire - inhabitation du vêtement sauf dans l’imaginaire.
TITRE : Pris au vent,2007
Gantelet d’armure :
Recherche liée au goût pour le travail de la monnaie du pape, qui a la mémoire des formes données.
Série de graines de coquelicot collées :
Un support est nécessaire- Le tissu rigidifié est encollé de graines.
Gabarit choisi : un enfant de 6 ans ;
TITRE : Vanité des vanités, 2004-6
Robe en tomates sèches cousues :
Résille en tissu pour empêcher l’affaissement.
Sensualité du corps, précarité. Voir La charogne de Baudelaire. Corps voué à disparaître. Couleur de l’écorché.
Exp de Vanité des vanités , l’œuvre exposée à l’humidité a évolué - la moisissure l’a fait passer du rouge au vert... le phénomène se poursuit.
TITRE : Marcher sur des œufs,2007
Cette réalisation est une chaussure en coquille d’œufs. œuvre en soucis et colle. Elle exprime la fragilité ; le titre est un jeu de mots.
TITRE : Feu lavendula,2007
Revolver en lavande, , petites fleurs collées les unes aux autres , l’intérieur est vide.
TITRE : Tuer le temps,2009
Revolver en cire avec une mèche au bout -
Disparition de l’oeuvre si on allume la mèche ?
TITRE : Manteau d’enfants en roseaux,2007
Manteaux d’enfants en roseaux : Ouvert comme une peau de bête- roseaux collés sur du cuir.
TITRE : La robe des recluses
ROBE EN HOMMAGE AUX RECLUSE DE SAINT FLOUR (CANTAL)
PRÉSENTÉÉE DANS LA SACRISTIE D’UNE EGLISE DÉSACFECTÉE, EXPOSÉE ACTUELLEMENT AU MUSÉE DE LA HTE AUVERGNE, PRÈS DE LA CATHÉDRALE
TITRE : Le coin des mauvaises graines
Participation des élèves de TECOMAH, pour la réalisation de l’œuvre.
Place de la question de l’invisible dans son projet.
Photos figeant un instant - corps évaporé ne reste plus que le mouvement.
CETTE ABSENCE DE CORPS OUVRE À L’INTERPRÉTATION DE CHACUN
Installation : qu’en est-il advenue ? Démontée, elle est à vendre ou à exposer ailleurs.
Acheteurs éventuels : art éphémère ou non ?
TITRE : Corselet de clématites
Armure en clématites.
Les clématites collées forment un duvet épais. 3 cm d’épaisseur. Isolation d’avec l’extérieur..
Installation AU CHATEAU D’OIRON : présentation dans une salle où les murs sont recouverts de miroirs - reproduction à l’infini de l’armure - une armée d’armures !
TITRE : Faut pas jouer avec la nourriture
A Melle, dans le choeur d’une église romane désaffectée sur le chemin de St Jacques de Compostelle,, participation à une exposition sur le thème de la nourriture : présentation d’une cabane en pain , baguettes invendues récupérées dans une boulangerie locale pendant un mois.
Significations proposées : ne pas jouer avec la nourriture, déchet de la civilisation de consommation et pain de vie.
L’artiste dit des choses à méditer - questions - réflexions.
– Rapport à la nature - lecture de la nature - invitation à la transformer- christianisme a engendré la civilisation technicienne- domestiquer la nature - L’homme est maître et possesseur de la nature dit Descartes.
– Faiblesse - fragilité.
– Réflexion sur la création - Lettre de Jean Paul II aux artistes. L’artiste y est décrit comme particulièrement à l’image de son créateur-
Création 1) en théologie, 2) sens analogique = création artistique ;
Travail sur la nature - recréation.
– Imaginaire de la matière - patience de l’ouvrage - dentellière cf Dali, Vermeer.
// par rapport à la matière cf Bachelard - aucune transcendance, mais dans rêverie poétique et poésie de la nature - grande humanité.
Tisserand tisse cf Dogon : c’est éminemment spirituel.
Le christianisme renvoie à la matière.
Pain et pain de vie - culture chrétienne - dialogue avec la matière toujours présente.
– La relecture chrétienne des œuvres ne doit pas être première - grandes questions de la vie - spiritualité mais non revendication de la religion catholique.
Souvent refus de l’institution ou du dogme mais pas celui de l’intuition même de la foi, Fides qua.
– La théologie travaille sur le produit fini. Réflexion de la foi chrétienne que nous essayons d’établir :
1) intuition qui guide l’artiste et qui le travaille - le geste créateur de l’œuvre
2) intuition donnée tout en créant, mais acceptation d’interprétations très différentes - sans mettre en avant sa propre intuition.
La différence entre produit et œuvre ; l’œuvre OUvre toutes les possibilités d’interprétation.
L’approche théologique n’est qu’une interprétation parmi d’autres : c’est « un risque pris ».
La chance d’une œuvre est de libérer des interprétations, il lui est difficile d’être dogmatique.
Le texte qui suit, écrit par Jérôme Cottin, a été publié dans l’article "La figure du Saint habillé par l’art contemporain : une approche théologico-esthétique" (pp. 159-171),Chronique : La couture inspirée : un enjeu pour l’art sacré (pp. 113-171), in Transversalités 108, revue de l’Institut catholique de Paris, oct.déc. 2008,
L’artiste est une jeune plasticienne parisienne, qui se réclame de l’arte povera : elle travaille en trois dimensions, à partir d’éléments fragiles : la matière naturelle qu’elle détourne pour en faire des sculptures. Par là, elle questionne la relation de l’humain à la nature ; elle travaille à un rapprochement charnel entre l’humain et le végétal : l’homme comme végétal.
Les habits sont un des thèmes de prédilection d’Isabelle Tournoud : l’habit comme seconde peau, comme interface entre l’être humain et le monde extérieur : des habits sans humain mais des habits très humains, habités par l’humain. Dans au moins deux "sculptures", sa création rejoint notre thème :
– Robe des recluses, été 2006
Alors qu’elle était en résidence d’artiste à St-Flour, I. Tournoud s’inspire de l’histoire de ces recluses, jeunes filles que l’on enfermait à vie afin qu’elles intercèdent pour le salut de la population locale. La robe de la recluse est faite en monnaie du pape. Cette recluse fut installée in situ, dans le noir d’une sacristie d’une église désaffectée à Saint-Flour. L’œuvre devient installation, performance, en ce que le spectateur est invité, l’espace d’un instant, à vivre comme la recluse. La robe devient une lumière qui brille dans la nuit. L’œuvre se trouve aujourd’hui au musée de la haute-Auvergne, à côté de la cathédrale de Saint-Flour. Le contexte religieux catholique est donc particulièrement présent, dans ces trois étapes : - création de l’œuvre ; - l’exposition ; - conservation après son exposition.
– Vanité des vanités, 2004-5 .
On aura tous reconnu l’allusion à la parole biblique du livre de l’Ecclésiaste (ou Qoélet). Cette robe est faite en tomates séchées, cousues les unes avec les autres et collées sur une petite résille en tissus. L’idée de l’artiste était de parler de la vanité de la femme qui met son corps en avant ; à la mort ce corps disparaît, il ne reste que l’habit. Cette "sculpture" a évolué, s’est transformée : la robe a moisi ; L’artiste a fait des photos de la robe tâchée de moisissure ; le résultat fut une nouvelle étape de l’œuvre, incluant en elle les débuts de sa propre destruction.
Le vêtement est ici non seulement vu comme enveloppe du corps humain, ou expression de la personne, mais comme une entité propre, un autre que soi, plus pérenne. Soi, dans son désir de résister à l’emprise de la mort, de résister au temps qui passe.