William A. DYRNESS, Visual Faith. Art, theology and Worship in Dialogue.
Baker Academics, Grand Rapids, USA, 2001.
188 pages
Auteur : William A. DYRNESS
William Dyrness semblerait avoir influencé une génération d’artistes chrétiens nord-américains, à la parution en 1971 de son livre sur le peintre Georges Rouault, « Rouault : A Vision of Suffering and Salvation » . Ils y avaient trouvé un terrain de liberté et un vocabulaire visuel qui manquait à leur travail. Depuis, et dans un contexte Protestant et Evangélique, les nombreuses publications de William Dyrness ont souvent pour objet le dialogue entre la foi et l’art. Malgré une tension permanente dont il rend compte par des exemples de difficultés entre artistes-créateurs et leur réception dans un monde et une Eglise au regard souvent étriqué, l’auteur cherche des pistes et des solutions (parfois audacieuses) afin de forger une relation cohérente entre le Christianisme et les arts visuels.
Professeur de théologie de l’Eglise Réformée, son livre « Visual Faith », paru en 2001, possède les qualités didactiques et la clarté nécessaire à une bonne compréhension de cette relation difficile et complexe entre l’Eglise et les artistes. C’est un livre érudit, riche de références culturelles variées, mais d’un accès pas toujours facile. Comme l’indique le titre « La Foi Visuelle », le visuel y a une place prépondérante. Force est de constater que l’influence artistique dominante d’aujourd’hui est avant tout visuelle et prépondérante dans la culture de masse. Mais qu’il existe aussi une préoccupation voire une quête spirituelle, et de fait, l’art est parfois devenu en soi une religion, un substitut. Mais d’un point de vue chrétien, comment faire face et s’adapter à cette situation qui n’offre pas la réponse entière à une quête spirituelle ? (Est-ce une situation propre à la culture dite américaine ?)
Les questions et nombreux thèmes s’entrecroisent et ressurgissent inévitablement, car Dyrness, s’adresse à un public suffisamment varié pour que chacun puisse y faire une découverte ou une réponse selon son intérêt.
L’introduction du livre expose très clairement la problématique de départ qui est celle de la relation complexe et difficile entre l’Art et la Foi, en reconnaissant que dans l’histoire récente l’Eglise Chrétienne et l’art n’ont pas toujours été en bons termes. Partant de la manière dont foi et art ont agi réciproquement dans l’histoire de l’Eglise, puis de la Réforme jusque l’art contemporain, vient une série de chapitres sur les arts visuels aujourd’hui, avec une perspective théologique concrète, communautaire et liturgique :
– Chap. 3 : « Art and the Biblical Drama » : les sources bibliques de l’Art (le rôle de la narration, la notion d’image, l’esthétique ...)
– Chap. 4 : Une réflexion théologique sur les arts visuels. D’un point de vue de l’Incarnation, de la Trinité et de la création, qu’apporte-elle à la création artistique ? Il y est question de la présence/révélation divine et de vérité. L’art mène à la contemplation et reflète une nécessité humaine et mystérieuse.
– Chap. 5 : Les défis d’aujourd’hui pour les Chrétiens et pour l’art contemporain, en développant les caractéristiques entre les artistes et le public. Dans un monde axé sur le visuel, cet art est défini comme étant interactif et collaboratif, ayant un élément spirituel. Enfin, l’art devrait trouver sa place dans le renouvellement liturgique (propre à la culture nord-américaine).
– Chap.6 : « A New Opportunity for Christian Involvement in the Arts » : Une nouvelle chance pour un engagement chrétien dans l’Art.
– Chap 7 : Créer et contempler une œuvre artistique.
– Enfin, la conclusion reprend les grandes lignes de ses propositions sous le titre poétique « Dreaming Dreams and Seeing Visions ».
L’introduction, le dernier chapitre et la conclusion du livre sont peut-être les parties les plus stimulantes de son travail (p.139 à 161). William Dyrness aborde l’art comme étant une chance, ou un défi, pour le Chrétien d’aujourd’hui et selon son point de vue. Dans son Chapitre « Making and looking at art » (pp.139-154), il aborde les sujets suivant :
– La question de la puissance visuelle de l’art et de l’expérience esthétique
– L’importance de la beauté et de sa relation au bon, et à Dieu
– Le rôle de l’art dans la transmission et témoignage de la foi et de son rôle salutaire.
– La difficulté de parler et de penser l’art dans un monde désenchanté
– Le rôle missionnaire et servant de « l’artiste-disciple », de son travail qui requiert abnégation, don de soi, souffrance, mort à soi...
– L’utilisation pratique (parfois abusive) de l’art par les Chrétiens.
Dans un univers artistique riche, mais qui souvent a perdu tout contact avec son héritage religieux, les Chrétiens ont pourtant la possibilité de rencontré Dieu dans l’art. La situation semble aujourd’hui complexe, une double tension qui se résume de façon simplifiée selon l’auteur :
Contemporary artists have developed surprising spiritual sensitivities, though for the most part they have lost touch with the breadth and depth of the riches of the Christian (or any other religious) tradition. Meanwhile, Christian artists, while often talented and committed, have not been nourished by the riches of a Christian tradition. The one struggles spiritually ; the other artistically.
De cette tension permanente entre création et tradition (plurielle), il en ressort un espoir. Dyrness affirme (en 2001) que l’art contemporain est en train de vivre une phase de transition sans précédent :« a revival of Christian interest in the visual arts » . À chacun de chercher à renouveler sa vision...
Riche de lectures théologiques contemporaines, « Visual Faith » est un ouvrage qui s’adresse à un public essentiellement américain qui est le sien. Tout en faisant référence à la tradition à la fois artistique et théologique héritée d’un passage en Europe, car William Dyrness, théologien des arts, cite Hans Urs von Balthasar, Jacques Maritain, Simone Weil... C’est finalement une chance de pouvoir s’enrichir de ce regard différent et stimulant.
Claire DUBEAU