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Bibliothèque (1990-2022)

Pour décoder un tableau religieux

Nouveau Testament

Auteurs : Eliane et Régis BURNET. Illustrations de Brunor.

Dommage que le sous-titre du livre soit inexact : il ne s’agit pas d’iconographie du Nouveau Testament, mais des seuls Evangiles : l’iconographie des Actes des Apôtres, des lettres pauliniennes et surtout de l’Apocalypse n’est pas prise en compte. A cela viennent s’ajouter trois chapitres traitant de l’iconographie de thèmes qui ne sont pas stricto sensu, bibliques : La descente aux enfers (mis à part les deux versets allusifs de 1 P 3, 18-19), La Vierge à l’enfant et surtout L’assomption de la Vierge (pp. 43-50) ou la dévotion au Sacré-Cœur (pp. 64-65), dont on se demande ce qu’ils viennent faire dans un ouvrage consacré au Nouveau Testament. Toujours par rapport au sous-titre annoncé, quelques must de l’iconographie des Evangiles ont été oubliés : l’Ecce homo - Christ devant Pilate - ; Les pèlerins d’Emmaüs ; les récits de guérison, les paraboles (Le fils prodigue ; Le bon samaritain..). Il aurait donc été plus juste de préciser en sous-titre : "Quelques scènes du Nouveau Testament et de la tradition chrétienne".

A part cela, les thèmes iconographiques des Evangiles sont soigneusement étudiés, et la différence entre les sources bibliques et les développements postérieurs - qu’ils soient sous forme de textes ou d’images - sont bien montrés. Pour une fois les auteurs ne sont pas simplement iconographes, mais connaissent les textes bibliques et la théologie chrétienne. Ils ne commettent pas l’erreur courante, qui consiste à situer l’iconographie du voile de Véronique comme un épisode de la Passion (p. 81). Chaque thème iconographique (Jardin des oliviers ; Noces de Cana ; Crucifixion...) est structuré en trois temps : - les textes (bibliques et extra-bibliques) ; - la traduction picturale ; - une partie intitulée "Ouverture", qui est un développement actualisant sur le thème. Dans Crucifixion, on a ainsi quelques notes sur les crucifixions dans la peinture de Bacon, dans Cène des observations sur la cène dans la publicité etc.

Si le rapport texte biblique- iconographie est bien étudié, en revanche il manque une dimension importante qui explique la genèse et le développement de cette iconographie : les emprunts aux motifs païens, beaucoup plus nombreux et importants que ce que les a. nous en disent (par ex. pour les motifs de La vierge à l’enfant, ou de La descente aux enfers).

Autres qualités : - des dessins originaux et colorés viennent en appui à certaines explications iconographiques ; - d’utiles rappels de questions iconographiques sont parfois proposés dans les marges (par ex. les explications sur les "nimbes" ou "auréoles" ; le monogramme, le chrisme, l’anagramme (p. 61). - une synthétique "chronologie de l’art religieux chrétien" (pp. 155-158), qui devrait être toutefois complété par quelques exemples de réalisations artistiques remarquables hors de France (Allemagne, Italie..)

Quelques erreurs ou approximations sont à relever : la Crucifixion blanche de Chagall n’est pas une interprétation "poétique", mais politique et militante : elle fut la réponse du peintre juif aux crimes nazis de la "nuit de cristal" (p. 84) ; les a. semblent méconnaître l’iconographie luthérienne du crucifié, traduction visuelle de la theologia crucis de Luther (p. 83).
Malgré quelques manques et imperfections cet ouvrage, réalisé par deux universitaires - une mère et son fils - est à recommander par son sérieux et sa clarté pédagogique. On attend une suite de leur part.

Jérôme COTTIN