A lire :
Yves Bouvier, Christophe Cousin, Ronchamp, une chapelle de lumière, éditions Neo, CRDP Franche-Conté, 2005
Toutes les photos de cet article sont de J. Cottin.
La chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (Haute-Saône) du Corbusier est maintenant inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO
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Voir sur le même lieu Le monastère de Renzo Piano à Ronchamp (2006-2011)
– C’est sans doute l’architecture religieuse la plus célèbre du XXe siècle, réalisée pour un lieu de pèlerinage marial catholique par… un architecte agnostique, mais marqué par la tradition calviniste de sa famille et de sa région d’origine.
– Le Corbusier (1887-1965), de son vrai nom Charles-Edouard Jeanneret, est en effet originaire de La Chaux-de-Fonds en Suisse, région protestante réformée. A propos du couvent de la Tourette, près de Lyon, Le Corbusier a fait cette observation, typiquement réformée : « Avec la lumière qui sera là-dedans, je compte que ce sera bien. Il n’y aura pas de distraction possible par les images. Si vous voulez être gentils, et témoigner de votre sympathique à votre architecte, c’est en refusant tout cadeau concernant des vitraux, des images et des statues, moyennant quoi on tue tout. Ce sont vraiment des choses dont on n’a pas besoin ». Cette remarque ne vaut pas pour le mur intérieur sud de chapelle de Ronchamp, où il y a bien quelques objets, vitraux, et peintures (ou toutefois le signe est préféré à la figuration), mais elle correspond exactement à l’aniconisme des deux oratoires.
La chapelle de Ronchamp représente un travail isolé dans la production mondiale du Corbusier. On peut toutefois y ajouter le couvent de la Tourette, et (terminée récemment à partir de plans de l’architecte) l’église de Firminy dans la Loire. Au début Le Corbusier n’était pas intéressé par ce projet, puis il est venu sur place à Ronchamp (Haute-Saône, près de Belfort) et a eu le coup de foudre pour la beauté du paysage.
Jean-Jacques Virot est ancien architecte et prof. à l’Ecole des Arts appliqués de Strasbourg préside actuellement l’Association de l’œuvre de ND du Haut de Ronchamp (AONDH), propriétaire du site. Il a recueilli des informations orales de Lucien Ledeur, le jeune prêtre qui fut le collaborateur du Corbusier pour la construction de la chapelle. Celui-ci lui a dit que Le Corbusier lui aurait confié qu’il a relu la Bible avant de proposer les plans pour la construction de la chapelle.
Quelques informations techniques/architecturales transmises par J-J Virot :
La construction de la chapelle correspond à la découverte des capacités architecturales et créatrices du béton armé, qui est une pâte faite de poudre + gravier + eau qui durcit. On reconstitue ainsi de la pierre !
Les 5 points pour comprendre le style du Corbusier sont : - les piliers ; - le plan libre ; - la façade libre ; - la fenêtre en bandeau ; - le toit terrasse. Il est l’un des meilleurs représentants du courant architectural du modernisme (1920-1930).
La chapelle de Ronchamp prend sa place dans une spiritualité du sensible : tout ce qu’on pense, on le pense à partir de ce que l’on voit, de ce que l’on touche, de ce que l’on ressent.
La chapelle :
Il s’agit d’une « architecture réversible » : une chapelle extérieure : pour 2000 à 3000 personnes (pèlerinages) et une chapelle intérieure : espace restreint, pour 200 personnes. Ce bâtiment est très innovant, et en même temps totalement traditionnel. Le mur Est comprend donc deux dispositifs liturgiques, l’un à l’extérieur, l’autre à l’intérieur.
C’est une « matrice » : le bâtiment se présente comme impénétrable (de fait, la porte principale ne peut s’ouvrir que de l’intérieur).
L’architecture apprivoise la lumière dans ses deux composantes : lumière claire (clarté, luminosité) et mélange d’ombre et de lumière (contrastes, trous d’ombres et éclats de lumière).
7 piliers portent l’architecture. Les murs sont recouverts à la chaux, car ils sont faits de morceaux de pierres (de l’ancienne chapelle détruite dans les combats à la fin de la 2e guerre mondiale). Seule la coque (vide) du toit est en béton.
Les façades : Aucune n’est plate ; elles sont toutes incurvées ; deux sont concaves :
Avant de construire la chapelle, Le Corbusier a beaucoup voyagé ; il s’est laissé inspiré par les architectures de la méditerranée (peut-être des mosquées). Il nous fait part d’une sensibilité plastique et de ses expériences de l’architecture. Il a aussi été fasciné par la Chartreuse de Galuzzo près de Florence, qui constituent diverses architectures autonomes intégrées dans un ensemble plus vaste.
Intérieur :
– Il y a trois autels, trois lieux de prières : le chœur et deux (petits) oratoires. L’intérieur de la façade Sud est structuré par un jeu d’inversions dans les ébrasements : ils ont des orientations et des profondeurs différentes selon leur positionnement. Ainsi quand la lumière traverse, elle a varie d’intensité selon les ouvertures.
Les vitraux, le mobilier liturgique, la peinture des portes, les croix (et les deux crucifix de très modestes dimensions, presque invisibles à première vue) sont de l’architecte, qui était aussi peintre.
Le lieu et l’histoire
1913 : la chapelle de pèlerinage est détruite par la foudre.
1926-1930 : reconstruction dans un style néo-gothique
1944 : nouvelle destruction par les combats en vue de la libération du territoire.
1950 : reconstruction par Le Corbusier. Celui-ci a eu la chance de bénéficier de l’ouverture exceptionnelle de certaines personnes (commission d’art sacré du diocèse de Belfort) qui ont accepté son projet novateur.
Méthodologie d’analyse (de la chapelle et d’un bâtiment religieux) proposée par J-J Virot :
1. La question spatiale
2. Comment ça tient
3. L’enveloppe : ce qui assume le contrôle des ambiances (lumière, confort)
4. Les accès, la circulation
5. Le rapport au paysage, au lieu
Jérome Cottin