Consulter les sites :
www.voir-et-dire.net
www.saintmerri.org/saintmerri/histoire.htm
V&D n’est pas un service de la communauté de St-Merri, mais un réseau dont certains membres actifs n’ont rien à voir avec la communauté, qui apporte son soutien aux manifestations au sein de St Merri. Son objectif est de : « percoler » l’art contemporain au sein d’une communauté réticente parfois, dire et raconter sur le mode le plus pédagogique possible, rechercher et accueillir des artistes (règle des trois tiers : les amis, le réseau, et la recherche d’artistes entrant dans la thématique très large : Face au monde/être au monde), inviter des personnalités liées à l’art et provoquer des débats, organiser des visites, innover
Quelques caractéristiques de V&D :
– V&D une très petite nébuleuse, qui continue à construire sa dynamique et ses fondements, qui recherche des appuis extérieurs ainsi que des moyens pour mettre en œuvre ses idées
– V&D : une boîte à idées d’amateurs éclairés et non de spécialistes d’histoire de l’art. Une démarche inductive, pragmatique dont la ligne peut sembler imprécise ou faible par rapport à d’autres initiatives catholiques. Mais il y a au sein de la communauté des personnalités liées à l’art que l’on pourrait mobiliser.
– Une certaine contestation des initiatives orientées vers l’art contemporain à l’intérieur du CPHB (Centre Pastoral Halles-Beaubourg). D‘où la prudence et une certaine lenteur dans la politique d’exposition
– Pas de coordination réelle avec les autres églises où sont abordées les questions d’art contemporain (St Séverin/St Eustache)
– Construire un autre discours à côté des autres plus officiels de Paris.
Perspectives communes entre V&D et P&I :
Après visite de l’église et échanges libres, il apparaît que P&I et V&D partagent bien des points et des projets en commun, et notamment le fait que Art et Église ne doivent pas être mis au service de l’autre, mais peuvent dialoguer. P&I et V&D sont conscients des risques de repli identitaire et s’en méfient.
– L’art contemporain est une plaque sensible de la société et à ce titre nous concerne en église
– L’art contemporain est hétéroclite et illimité et il est nécessaire de faire des choix si on veut participer à sa visibilité. Il existe plusieurs registres possibles de l’art en situation d’église qu’il faut explorer et sur lequel une parole à construire est nécessaire. Il existe aussi d’autres champs que nos sites explorent à leur manière : pédagogie sur V&D / construction théologique sur P&I
– P&I et V&D ont de multiples projets et démarches qu’il est possible de faire foisonner
– Les premières actions envisagées :
o Visibilités mutuelles sur nos sites
o Une page sur V&D dans P&I
o Un entretien avec Jacques Mérienne pour P&I
o Des expos à échanger.
o Envisager un parcours d’expositions StM/temples protestants/St Eustache ( ?)
o Possibilité de faire financer par P&I des actions de communication (type plaquette) sur certains artistes de V&D.
o Échanges d’informations et d’idées, librement
(notes rédigées par Michel Micheau, le 25juin 2010)
Un point de départ de cette réflexion : des propos de Jacques Mérienne (prêtre de St-Merri, mais aussi artiste) :
La "pastorale de l’art" n’est pas mettre l’art (qui devient l’art appliqué) au service de la communauté. Ce ne serait qu’une "pastorale des statues et des peintures". Mais c’est une pastorale en direction des personnes, donc des artistes : aller les rencontrer et les inviter. Que derrière les œuvres il y a les artistes, c’est cela qui énerve certains qui aimeraient mieux qu’on reste entre soi. Mais petit à petit ça avance…
Ces propos sont clairs et s’inscrivent dans la vision que Jacques met en œuvre notamment depuis le festival art et foi de 2006.
Pendant plus de vingt ans, la pastorale de et par l’art était passée par des chemins balisés et pacifiés : un groupe "Beaubourg" fort et dynamique dans le temps ; un lien réel avec Beaubourg, ce qui permettait de voir des expositions en commun ; une feuille de bonne tenue, des expositions à vocation spirituelle ou pastorale utilisant des médiums de l’art contemporain, bricolés mais efficaces ; une légitimité reconnue de Joseph à former et à parler de ce qui travaillait les artistes ; quelques célébrations mobilisant des gestes éphémères d’artistes mais ô combien marquants (cf. jours saints avec un Boltanski gardant l’anonymat). Mais c’était une pastorale sans artiste, où l’EP était jeune et adhérant à l’AC (art contemporain). Les mots d’ordres étaient : on présente des œuvres mais pas des artistes ; St Merri est un des seuils de Beaubourg
Le temps de Nicolas Guérin a vu se détricoter cette pastorale.
Jacques Mérienne a introduit d’autres postures et notamment la figure de l’artiste et du geste créateur. Une nouvelle pastorale est née, mais parce qu’elle a ouvert grandes les portes et les fenêtres dans une communauté vieillissante à la curiosité, à la culture insuffisantes, elle a été confrontée à une résistance et une incompréhension fortes.
Au vu des quelques mois de V&D et de ce que j’ai pu observer des réactions, il me semble nécessaire d’élargir cette vision de Jacques pour tenter de la mieux faire partager.
Je suggère de mener une réflexion sur ce qui pourrait enrichir cette pastorale de l’art (de une à trois dimensions) avant de la proposer au débat au sein de V&D dans un premier temps.
Le plan envisagé serait le suivant :
1) Une pastorale de l’accueil des artistes et de leurs gestes créateurs : mettre l’artiste au sein d’une relation nouvelle avec la communauté.
– a. En montrant des artistes en création, en exposant des œuvres à un fort rythme on rend visible l’artiste et perceptible l’acte créatif. Une pastorale d’accueil de ces personnes n’ayant rien à voir avec la vie de la communauté, mais susceptible de lui donner à cette dernière bien plus qu’elle croit, se met en place. Ses principes se formalisent au travers des expériences faites.
– b. Cet accueil est régi par les lois de l’hospitalité, du don et du contre don. St Merry n’est pas une galerie, mais un espace où les artistes donnent à la communauté et à tous les visiteurs qui transitent en échange de quoi, ils reçoivent bienveillance, reconnaissance. Mais cela n’est toujours pas pleinement compris d’une partie de la communauté
– c. Cette pastorale fait de St Merri un lieu de production d’œuvres pérennes et éphémères. Cela nécessite une organisation spécifique (cf. sécurité, etc.).Mais elle est à l’origine d’effets sous-estimés par les membres de la communauté
i. D’une reconnaissance par les artistes que St Merri est un milieu spécifique de la création, original, unique et très apprécié au sein de l’Église.
ii. D’une dynamique collective nouvelle qui fait travailler les artistes entre eux ou d’une approche transversale aux arts.
– d. Cette pastorale basée sur une relation nouvelle comporte des risques : œuvres faibles, communauté ou équipe instrumentalisée. Cela nécessite donc un partage de la charge de ces rencontres. Mais c’est aussi une potentialité de richesses.
e. Cette pastorale porte le risque de l’hétéroclite que l’on reproche souvent - aux initiatives de St Merri. La construction du sens et de la perspective des relations avec les artistes ne peut qu’être un chantier permanent, basé sur la communication et ainsi être lisible. C’est un enjeu fondamental, sinon ce geste créateur restera limité dans ces effets à un petit nombre, le reste le vivant déjà comme perturbateur, au sein de la vie des groupes et de la communauté. Sans communication adaptée, le geste créateur disparaît.
– f. Si l’on suit Catherine Grenier : cet art contemporain tout simplement « a pour unique obsession de chercher ce moment de coïncidence entre l’expérience de vivre et la conscience d’exister » . Ce n’est pas un art chrétien, mais dont les racines anthropologiques sont les mêmes que l’acte de foi. L’enjeu de cette pastorale est aussi le dialogue, le débat, le risque interprétatif (cf. la dénonciation de récupération de la pensée de J Alexandre). Elle doit reposer sur des paroles tierces entre la communauté (ou tout du moins ceux qui sont intéressés) et les artistes. Cette pastorale ne peut être seulement celle de la monstration, de l’émotion créative mais doit passer par la verbalisation et la diffusion au reste de la communauté, voire plus loin (cf. partie 3).
2) Une pastorale de l’accueil des visiteurs et de l’appréhension de l’art contemporain :
une église du seuil des arts visuels, une église qui promeut un réseau social V&D. Il faut donc voir les publics en question et construire des pastorales adaptées. En effet, les activités de St Merri se sont multipliées et les membres de la communauté choisissent. S’ils se désintéressaient de l’AC, cela ne serait pas grave ; mais des réactions d’hostilité sont apparues. Le premier enjeu est l’apaisement et le respect de cette mission de St Merri, confirmée par J Beau. Le second enjeu est la percolation de l’art contemporain, afin de le rendre désirable ou intéressant. Il importe d’appréhender les questions par groupes. Il importe aussi de répondre à des questions basiques sur l’art sacré. Si des tensions apparaissent c’est peut-être aussi parce que les termes multiples des débats ne sont pas posés.
– a. Les « cultureux » et les curieux de cette activité. Ils sont partiellement mobilisables et potentiellement intéressables. Ils sont des cœurs de cibles de la communication de St Merri par les effets de réseaux qu’ils peuvent jouer. Mais il ne faut pas attendre d’eux une participation réellement active.
– b. Le noyau des « résistants ». Ce n’est pas le fond de l’AC qui les gêne le plus, c’est le système de décision, qui n’est plus pyramidal, mais bien plus libertaire, donc non maîtrisable. Je pense qu’il y a un enjeu de respect à leur égard. Il faut les « prendre par la main », leur montrer la transparence progressive du système de V&D, et les aider à lire l’AC et le sens de l’invitation des artistes. Le site et les CR papier devraient être des vecteurs. Le rôle de Marie José est ici essentiel. V&D a réactivé la notion d’écoute.
– c. Les résistants à la culture Internet de V&D. Ils me semblent bien plus nombreux qu’on le pense. Ce site ne touchera qu’un très faible nombre de personnes de cette communauté ; c’est un phénomène classique. Cela n’est pas une raison pour baisser les bras ! Le complément est donc la culture papier et les débats, à côté des œuvres. Le volet pédago, le dire de V&D sont essentiels. Il faut leur raconter l’AC, construire un imaginaire, les aider à verbaliser dans un dialogue. Il faudrait que les membres actifs de V&D partagent cet objectif et se fassent médiateurs, comme dans les Nuits Blanches. À deux ou trois seulement, on n’y arrivera pas …
– d. Les visiteurs de passage. Ce sont des cibles fondamentales, car ils perçoivent une image autre de l’Église. On pourrait dire que les expos du claustra sont faites pour eux. Le site, s’il pouvait être relayé par un ordinateur dans l’église permettant de montrer immédiatement l’originalité de StM, devrait être un outil puissant. Le contenu s’y trouve localisé.
– e. Les visiteurs des grands évènements. Ils sont très proches des précédents. Mais la pratique expérimentée depuis quelques années pour les nuits blanches est la bonne : on enlève les chaises et l’info prosélyte. L’église vide devient une espace propice à la rencontre gratuite et risquée de quelques dizaines de membre de la communauté et de milliers de visiteurs. Les enjeux sont tout autant l’œuvre d’une nuit que les questions essentielles de toujours sur l’église et la foi. Il importe de choisir des œuvres qui vont susciter l’émotion immédiate et l’abaissement des résistances à engager le dialogue.
– f. Les internautes. Ici la population est si hétérogène qu’on ne peut rien dire. Mais sans de bons sites (V&D et les RdV), nous n’existons pas ! Il ne faut pas beaucoup attendre des autres personnes des réseaux d’Église car ils sont très occupés à régler leurs propres problèmes du quotidien.
3) Une pastorale de réseau, de réflexions et de débats qui franchit les murs de St Merri.
Si les années 50 ont été à l’origine de l’invitation des artistes non chrétiens dans les créations d’église, si dans les années 80 et 90, la commande publique a accéléré l’introduction de l’art contemporain dans les églises, il semblerait que l’on assiste à une multiplication des initiatives d’église à dialoguer, avec l’Art, sinon avec les artistes, à se saisir de cette activité humaine, qui traverse désormais toutes les autres, pour la questionner sur son sens. Les interventions des Bernardins du duo Grenier-Alexandre sont emblématiques. Au delà travers emphatiques à l’égard des œuvres et des artistes, il s’agit pour St Merry de se situer dans les discours qui commencent à se multiplier sur la proximité artistes/croyants. Il appartient à St Merri de se confronter à ses questions d’interprétation, de se situer par rapport aux risques d’appropriation. La société en quête de sens lorgne sur les traces du religieux dans l’art (cf. le succès de l’expo Trace ou la couverture médiatique de l’expo Personnes). La question n’est plus d’accueillir des artistes, de créer un milieu nouveau de création, mais de formaliser les termes du dialogue, d’interpréter et de soumettre les résultats de l’interprétation aux artistes eux mêmes.
C’est l’enjeu des Bernardins, d’Arts Culture et Foi et pourquoi pas de St Merri. Il ne s’agit pas de prendre pour agent comptant les paroles du ministère, mais d’examiner si nous pouvons occuper une certaine place dans les débats actuels.
La pastorale consistera à rendre audible par tous (via le site et les papiers) des questionnements de fond entendus ou élaborés dans des débats.
Par exemple, peut-on souscrire directement à l’assertion théologique de J Alexandre (p76) : « L’art est un appel au mystère, parce qu’il est commandé par le mystère, dont il porte la révélation, c’est-à-dire la puissance de vérité, qui n’est autre pour tout homme que la perspective d’une rédemption » ?
Cette forme de pastorale nécessite d’autres outillages intellectuels que les précédents. Mais peut-on en faire l’économie ?
Il va de soi que si on arrivait à produire un discours accessible sur ces questions, cela donnerait à St Merri une autre image que celle de l’explosion des initiatives, que cela renouvellerait notre mission et validerait notre place aux yeux de l’EP.
Il va de soi aussi que cette approche plus intellectuelle de la pastorale globale n’ pas à prendre le pas sur la première qui est plus sensible et directe.
Michel Micheau 28-03-10