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Réflexion

Chemin d’espérance par Odette Lecerf

Je voudrais vous faire partager ma démarche plastique et artistique en lien avec ma recherche spirituelle. C’est un sujet qui me passionne et qui m’est très intime, aussi je dois vous l’avouer, j’éprouve une grande émotion à vous en parler.

Je ne vous présenterai pas ici une thèse sur mon travail mais en toute simplicité je vais vous relater cette progression chronologique qui m’a confortée dans mon désir d’exprimer ma FOI au travers de mes SCULPTURES.

Je vous parlerai donc tout d’abord de la plastique de mon œuvre, formes et matière et ensuite de sa charge émotionnelle et spirituelle née de mes RENCONTRES, et des MESSAGES qu’elles suscitent et que je désire intituler mon CHEMIN d’ ESPERANCE.

Permettez-moi tout d’abord de me présenter à vous :

Je suis née fin 1943 dans l’Aveyron, c’est là que je vais chercher ma pierre favorite, dans la carrière de Mauriac entre Villefranche-de-Rouergue et Villeneuve.

J’habite et travaille à Levallois-Perret.

Après un très court passage aux Beaux Arts de Toulouse, en tant qu’étudiante, j’ai laissé libre cours à mon penchant pour la peinture à l’huile et, à partir de 1970, j’ai créé et réalisé des tapisseries au petit point

Dix ans de ma vie en famille à l’étranger ont sans nul doute imprimé une marque forte dans mes créations, particulièrement nos 4 années et plus passées en Iran... et deux années ou presque au Mexique.

En 1983, j’ai éprouvé le besoin de créer en trois dimensions aussi j’ai reçu la formation de André BEZARD, sculpteur, et cela jusqu’en 1990. André est décédé en 1998 et aujourd’hui je travaille dans son Atelier et je le fais vivre.

Je voudrais tout d’abord poser les grands éléments de la forme, la plastique de mon œuvre ...... déjà marquées de spiritualité.

Ces éléments sont essentiels et vite définis. : l’ŒUF, le CUBE puis l’ESCALIER. Ils sont présents dans la progression de mon travail. Vous les retrouverez tout au long de l’explication de ma démarche artistique qui en découle.

L’ŒUF, expression de la VIE, forme idéale, forme qui englobe l’esthétique et la pureté . Sa courbure est en éternelle prolongation, elle n’a pas de fin, en ce sens, elle est une sorte d’éternité bien sécurisante.

Le CUBE, il est, lui aussi une forme quasi parfaite dans sa régularité. Je peux vous assurer qu’il est bien plus difficile de sculpter un cube plutôt qu’un œuf. Avec des appareils électriques, ce serait peut-être facile, mais je travaille selon les vieilles méthodes traditionnelles apprises chez André BEZARD.

Cette forme, le cube, s’est imposée à moi comme une antithèse de l’œuf. En même temps elle correspondait à mon évolution personnelle dans mon désir d’être le témoin de mon temps. Le cube n’existe pas dans la nature .... Il est le fruit de la construction de l’homme : cartésien, anguleux, et, de ce fait, contraignant. Je dis souvent qu’il représente « le monde matérialiste dans lequel nous vivons ».

L’ESCALIER a une plastique toute particulière, c’est une forme rythmée et qui, dans mon cas a une valeur ascendante. Il s’élève, il m’élève, je ne le descends pas,... il s’élève, il m’élève d’où cette notion d’envol, de LIBERTE. Il est chez moi des plus fantaisistes exprimant ainsi l’anti-monotonie, j’allais presque dire l’anti conformisme.

LA MATIERE que je travaille est variée : la Terre, le Bronze, la Pierre, parfois le MARBRE et l’Altuglas.

André BEZARD m’ a appris à respecter la matière. J’ai d’ailleurs dans mon atelier la photo d’un Christ qu’il a créé simplement à partir d’une branche cruciforme... La matière jouait pour lui , et pour moi aussi, un rôle primordial. C’est un peu la raison pour laquelle je préfère la pierre..... qui, l’ oeuvre terminée, ne recevra aucune transformation de cuisson, comme la terre.

Cependant, pratiquement tous mes bronzes sont créés à partir de LA TERRE, de L’ARGILE. En la travaillant, j’ai le sentiment de participer à la Création.

Les BRONZES que j’obtiens à partir de cette terre représentent pour moi des pièces de grande noblesse. Le BRONZE c’est la permanence d’une œuvre pour l’éternité. Mes bronzes, réalisés par un fondeur, sont fabriqués à partir de pièces moulées dans de l’élastomère. Les moules vont recevoir la cire qui donnera naissance à ce qu’on appelle le « bronze à la cire perdue ». La patine viendra compléter le processus de réalisation des bronzes. Je pourrais vous expliquer cette fabrication laborieuse à un autre moment si cela vous intéresse.

Je vous avais dit que, lorsque je travaille LA TERRE, j’ai le sentiment de participer à la Création en revanche, pour LA PIERRE, je suis en position inverse à savoir que je reçois TOUT de la Création. Devant le bloc de pierre j’éprouve une infinie reconnaissance et de l’humilité. Je le respecte. Je le reçois vraiment comme un cadeau. Il a vécu des transformations au cours des siècles, des millénaires, il est porteur d’une histoire.

Je suis en attente de ce qui est enfoui au cœur même de ce bloc, il va me livrer ses secrets qui vont à la rencontre des miens. Là s’établit une complicité entre la pierre et moi, mais aussi parfois une lutte. Qui de nous deux va gagner : Toi qui possèdes tes secrets ou bien moi qui veux les révéler ?

Je cherche à aller dans le sens que je me suis fixé car je travaille le plus souvent en « taille directe », c’est-à-dire que je ne réalise que peu d’ébauches, j’attaque directement la pierre mais la pierre contient parfois un obstacle : une trace, un coquillage, ou tout simplement une veine qui ne me satisfont pas. C’est là que se poursuit cette lutte qui parfois m’oblige à modifier ou même détruire mon travail.

Je ferai ici une petite parenthèse pour le MARBRE. je n’ai pas une grande habitude à le travailler, c’est un matériau qui m’intimide mais qui finalement n’est pas plus dur que la pierre de Mauriac, que je lui préfère grandement car elle est plus nuancée, plus colorée, plus chaleureuse.

Dans tous les cas, lorsque le résultat me satisfait : je rends grâce...

Dans ma démarche de sculpteur c’est parfois tout simplement la pierre qui m’inspire le sujet, ou en tout cas qui va le conforter. Un point est très important : je choisis mes pierres dans la carrière et souvent, en l’état, effectivement, elles m’inspirent.

A titre d’exemple, voici l’œuvre « AVENIR »

Vous voyez un couple. La jeune femme est protégée par un bras fort. La pierre m’a particulièrement gâtée... les veinures sont justement placées là où je les attendais... la chevelure de la jeune femme était déjà inscrite dans la pierre.

Dans ce même contexte : « PRIERE » :

Là aussi la pierre m’a aidée. Dans cette pièce l’œuf porte des veinures concentriques qui vont dans le bon sens, elles semblent envelopper l’œuf et permettent en quelque sorte la présence de ces mains protectrices .... Vous voyez ici l’œuf de la vie, et deux mains jointes : c’est, je le sais bien, la position habituelle des futures mamans qui semblent prier pour protéger le bébé qu’elles portent... le protéger de ce cube de la modernité que vous voyez ici.
Plus récemment j’ai découvert les possibilités de l’ALTUGLAS dont j’aime la transparence. Pour la petite histoire, lorsque j’ai exposé à MEXICO en 2006 ...j’ai dû créer des œuvres plus légères, simplement pour diminuer les frais de transport... C’est alors que j’ai choisi l’altuglas. Sa modernité lui donne une certaine noblesse. Sous la chaleur il se laisse travailler aisément.
Ici l’œuvre « AMOUR »

vous montre qu’il peut être gravé et porter ainsi des MESSAGES.

J’en viens donc à vous parler de ma démarche artistique doublée des MESSAGES que comporte mon œuvre fruit de ma recherche spirituelle :

En effet, à mon sens, l’œuvre d’art est Responsable et, elle porte un message quel qu’il soit.... Ce message peut être simplement une émotion esthétique qui va toucher ou même troubler le spectateur... l’image abstraite entre bien dans cette catégorie. Mais le message peut aussi bien être une interrogation, ou encore une certaine sublimation de la pensée.

A un moment ou à un autre, l’œuvre d’art va délivrer ce message. Bien évidemment, l’artiste ignore quand ce sera et d’ailleurs ce n’est peut-être pas là où il croit.... Ni pour qui il croit... J’ai eu le bonheur de faire visiter une de mes expositions à un groupe d’aveugles, leur permettant bien évidemment de toucher mes sculptures. Ils comprenaient bien au-delà de ce que j’avais cru exprimer : leur richesse de vocabulaire révélait une sensibilité étonnante !

La démarche qui m’anime est guidée par mon cheminement spirituel et la plupart des expositions que je prépare en sont le fil conducteur.
Ainsi, dans ma toute première exposition en 1989 j’ai présenté une œuvre très particulière :

«  SCIENCE SANS CONSCIENCE »

Elle était accompagnée de ce poème message que je vous livre :

« Œuf genèse : tu es pureté, Création de Dieu,
« Œuf Créateur : tu es l’humanité source de vie,
« Œuf broyé : tu es la cruauté, folie de l’homme.
« Homme, Fils d’Homme, Fils de Dieu, germe et sel de la Terre, ne ruine pas le Chant du Monde
 ».

J’ai créé cette œuvre en 1988, à l’époque où on commençait à s’inquiéter de la procréation médicalement assistée. J’étais déjà très perplexe à l’idée d’avancer dans la science sans garde-fou. Il n’y avait pas encore de limitation aux embryons congelés et on évoquait déjà les surnuméraires. Cela me préoccupait beaucoup comme vous pouvez le voir dans cette œuvre.

Mon poème se termine par : « ne ruine pas le Chant du Monde... « 
Il se trouve que mon œuvre suivante s’intitule :

« LE CHANT DU MONDE »

Vous en voyez ici la photo, cette œuvre n’a pas vraiment besoin d’être expliquée, le partage des efforts de chacun pour la construction du monde est bien là... Elle exprime parfaitement cette séquence d’amour de son prochain.

Dans la vie, un évènement entraine l’ autre et c’est ce qui s’est passé avec ce « Chant du monde » ...

Il a interpelé l’un de mes amis qui, dès lors, m’a fait rencontrer Léopold Sedar SENGHOR avec qui il nous trouvait des affinités. Il m’a demandé de réaliser des sculptures en Hommage à SENGHOR pour l’ouverture du premier centre de francophonie de France à VERSON, près de Caen, dont il était le Maire. C’est là que SENGHOR habitait avec son épouse Normande, depuis qu’il avait quitté la présidence du SENEGAL. Cette RENCONTRE avec SENGHOR m’a permis de révéler les MESSAGES que je portais en moi.

Notamment celui que j’ai écrit sur le socle de ce « Chant du monde », c’est un message de SENGHOR que je voudrais faire mien aussi :

« j’ai rêvé d’un monde de soleil dans la fraternité de mes frères aux yeux bleus ».

Cette œuvre se trouve dans le hall du Centre de Francophonie de VERSON. Elle est également dans le hall du CCFD, à Paris . Elle a été présentée à la Bibliothèque Nationale à Paris et à l’UNESCO pour les 90 ans de SENGHOR, également à la Bibliothèque Municipale de LILLE pour fêter « Lille capitale de la Culture 2004 » puis en 2006 pour le Centenaire de la Naissance de SENGHOR : à la Mairie du 9ème à PARIS, à MILLAU, ensuite à MEXICO et encore à l’UNESCO à Paris récemment pour la « Conférence Générale 2009 ».

Cette œuvre d’amour et de solidarité, je l’ai créée dans l’émotion. Chaque main a reçu une attention particulière. Je travaillais DANS la prière. Elle est pour moi une œuvre « sacrée ». j’ insiste bien sacrée et non pas divine.

Elle a servi d’affiche au Forum des Associations de Levallois en 1994 agrandie 10 fois. Elle était imposante et je dois dire aussi émouvante...

Je vais vous faire une confidence...... je rêve que cette œuvre soit réalisée en grande taille sur une place avec de l’eau coulant entre les doigts. Quel message ce serait !

Parmi les messages dont je voudrais être PORTEUR il y a toutes les composantes de l’œuvre poétique de SENGHOR

En un véritable recueillement, j’ai essayé d’étudier de près cette Œuvre Poétique et je l’ai subdivisée en trois parties :

« L’AMOUR, LE MYSTICISME ET LA TOLERANCE »

L’ installation que vous voyez là est faite de sable qui symbolise le désert cher à SENGHOR, les carrés de bois sont ici symbole de la terre. En effet, les anciens, les grecs représentaient le monde connu par un carré. Léopold SENGHOR était un Helléniste, c’est donc un petit clin d’œil.... Je rappelle ici qu’il a été le premier noir agrégé de grammaire française en 1935 et il a préparé Normale Sup avec notre Président Georges POMPIDOU.

Le volet « AMOUR » de la poésie de SENGHOR rejoint mon désir, mon besoin de dire : à quoi servirions-nous SANS dispenser autour de nous de l’AMOUR ?

Ces trois composantes Amour, Mysticisme et Tolérance sont en harmonie avec mon idéal de vie et en même temps avec le propos que je veux tenir dans ma sculpture.

Dans le premier petit carré de sable à gauche deux œufs se lovent exprimant l’AMOUR, vous pouvez voir le parallélisme entre cette œuvre et l’œuvre en altuglas que j’ai créée pour l’exposition à Mexico que je vous ai montrée .

Dans le deuxième carré une grosse main en terre cuite contient une goutte de pluie. C’est la main de DIEU expression du MYSTICISME.

Ensuite dans le troisième carré de sable trois têtes d’enfants représentent ,
comme l’écrit SENGHOR dans son Elégie pour Georges Pompidou : « les peuples à peau brune à peau jaune... et les grands blancs aussi ....ils ont besoin d’amour »

Ces trois enfants noir, blanc et jaune communiquent. Ils expriment ici la TOLERANCE sans arrière pensée raciste ...

J’ai voulu représenter cette TOLERANCE en altuglas et montrer, comme SENGHOR, l’égalité entre les TOUS les HOMMES. j’ai donc construit trois figures :
un carré pour symboliser les cartésiens que nous sommes donc les blancs,
un rond pour symboliser les noirs. Cette forme ronde, mondoïde justifie, dans la mesure de nos connaissances actuelles, l’origine du monde. Ensuite,
un triangle isocèle représente la race Jaune.
Ces trois surfaces sont rigoureusement identiques : 996,5001cm2, comme vous le voyez gravé sur l’altuglas ... J’en profite pour remercier mon époux qui a effectué les savants calculs gravés ici...

Pour compléter mon Hommage à SENGHOR, je désire encore vous parler de mon œuvre « O désert toute faite de mysticisme qui se calque sur le poème de SENGHOR : (photo)
« O désert sans ombre désert, terre austère, terre de pureté, de toutes mes petitesses
Lave-moi de toutes mes contagions de civilisé
 ». Dans mon œuvre, ici , l’œuf : c’est vous, c’est moi, nous voici au milieu du désert qui jouxte le cube.
Le silence du désert nous envahit et multiplie au centuple notre capacité d’intériorisation. J’ai eu la chance d’éprouver cette sensation : on se dépouille de TOUT et notre recherche spirituelle s’en trouve renforcée.

En fait de recherche spirituelle, je voudrais vous faire partager ici, la magnifique expérience que j’ai vécue en 2008.
Je vous disais au début de cet exposé que mon travail de sculpteur avançait au gré de mes RENCONTRES. Il en est une que je tiens à vous présenter car elle a favorisé en moi une grande ouverture à l’OECUMENISME, et de ce fait, à plus de SPIRITUALITE.

Je veux vous parler ici de ma RENCONTRE avec le Pasteur Valérie MALI de Levallois.
Lors d’une grande exposition sur la BIBLE , nous avions parlé, échangé .. et l’année suivante, Valérie me proposait d’ organiser une exposition dans le Temple .

Après plusieurs rencontres entre Valérie, Anne POURNY, Cosabeth PARRIAUD,
Hanna SIDOROWICZ peintres et moi-même, nous avons toutes les cinq intitulé cette exposition : « LE CHANT DE LA CREATION » : un bel œcuménisme : Cosabeth est protestante, Anne Pourny et moi-même nous sommes catholiques, Hanna a des racines orthodoxes.

C’est toute ma recherche spirituelle personnelle qui s’est engagée dans cet évènement et, elle a favorisé pour moi un plus grand souci d’OECUMENISME qui, je l’avoue, déjà m’habitait.

Nous avons travaillé en symbiose en amont de cette exposition afin que sa réalisation puisse être le reflet de nos spiritualités diverses. Une grande complicité nous animait pour préparer cet évènement et, personnellement, j’en remercie Valérie sans qui nous n’aurions pas pu faire partager à un large public des moments précieux. Je tiens à préciser que Valérie nous a laissé une grande liberté pour présenter les œuvres qui nous semblaient le mieux convenir à ce lieu et à cet évènement.

Jérôme COTTIN, Docteur en Théologie, nous avait gratifiées d’une Conférence intitulée « La Mystique dans l’Art Contemporain ». Cette conférence a rassemblé beaucoup de Levalloisiens et même d’au-delà et elle a permis à pas mal de personnes de conforter leur respect pour l’art contemporain et à ouvrir leur regard .

Un concert autour de Jean-Sébastien BACH prolongeait cette spiritualité

Je vais ici vous présenter quelques unes de mes œuvres pour ce CHANT DE LA CREATION qui est, comme vous pouvez l’imaginer, partie intégrante de ma démarche artistique doublée de ma démarche spirituelle.

Au-delà du « Chant du Monde » qui était bien évidemment exposé, voici :

« GENESE »

Une main de marbre blanc donne naissance à un visage ovoïde... la présence du Créateur m’accompagne, je ne suis que son instrument. Cet œuf que je cherchais, que j’ai trouvé, il était inscrit dans cette main au cœur de ce bloc de marbre...

Mais, je vous l’ai dit plus haut, au marbre je préfère la PIERRE de MAURIAC, je vous présente donc, dans cette pierre de Mauriac que j’affectionne, l’œuvre qui allait présider pour moi à cette exposition : ... Cette pierre contenait exactement sur ses deux faces les sujets qui m’intéressaient : Un vrai cadeau. Ces deux faces sont complémentaires :
d’une part l’ ANNONCIATION « Luc 1-30 » «  L’ange lui dit : N’aie plus peur Marie, tu as trouvé grâce auprès de Dieu »

Vous voyez ici la Vierge Marie qui reçoit l’annonce de l’Ange. Elle n’est pas belle, comme dans la statuaire catholique traditionnelle. Elle est simplement une femme ordinaire, telle que je la rêve... Elle n’est pas blonde ... mais tout logiquement, géographie oblige, naturellement brune. Regardez bien les ailes de l’Ange...... Elles étaient inscrites dans la pierre.

Sur la deuxième face : un grand soleil symbolise tout naturellement « la lumière » . La ligne verticale qui se trouve à droite de ce soleil....est tout contre cette ligne qui évoque la modernité ...à ne pas dépasser... au risque de perdre le soleil, la lumière .....

Vous avez compris que pour préparer cette exposition je suis allée chercher de nouvelles pierres... En voici une autre qui a engendré l’œuvre :

« LES PENITENTS »

Il s’agit d’ une résurgence de souvenirs d’enfant ...J’aimais visiter à Villefranche-de-Rouergue, tout proche de mon lieu de naissance, cette chapelle mystérieuse qui avait abrité ces Pénitents dévoués à leur MISSION. A l’époque, je ne comprenais peut-être pas très bien le sens de leur démarche.... Adulte, j’ai compris que, parfois, pour ne pas dire « souvent » ils mourraient en soignant les lépreux en donnant une sépulture digne à ces malades : ils sont morts oubliés... j’ai vu et revu leurs longues tuniques, noires, blanches ou bleues et leur capuche pointue... qui étaient déjà inscrites dans ma pierre (vous pouvez les distinguer sur la droite de la photo)et j’ai voulu leur redonner vie à travers ma sculpture... Vous voyez sans doute à gauche les escaliers.... Recherche sans doute de Rédemption....

Le même jour où, dans la Carrière, je prenais, j’allais dire je cueillais...... cette pierre pour Les Pénitents, j’en découvrais une autre, dans sa continuité, étonnante.

« LA GUERISON DU LEPREUX »

Cette main était déjà inscrite dans le bloc : je la voyais clairement, il ne restait plus qu’à la rendre accessible. Elle s’étalait devant moi impudique me montrant sa laideur. J’ai sculpté au-dessus d’elle la main de DIEU guérisseuse, miraculeuse, car elle s’imposait à moi, réminiscence du plafond de la Chapelle Sixtine, j’espère que Michel Ange va me pardonner ce plagiat...

Parmi les œuvres de ce Chant de la Création figurait aussi : « Elévation-Procession » :
Des corps se suivent en procession... et sur la gauche nous découvrons : des escaliers...

Et, toujours avec des escaliers :
« TRACES D’HUMANITE »

Des visages se découvrent sur notre chemin, visages enfouis au plus profond des âges et qui surgissent lors de notre avancée sur les marches de la vie.Ce sont les rencontres de notre quotidien et en même temps ces êtres qui ont participé à nos racines.

Ces escaliers, ont grandement inspiré mes créations, et je vous présente ici plus particulièrement
« ASCENSION IV »

qui se trouvait au cœur de cette exposition dans l’Eglise Réformée , devant l’autel :

Nous sommes, chacun de nous, cet œuf que vous voyez ici ET, chacun de nous, gravit les marches de sa propre existence en essayant de grimper au plus haut. Cela peut être dans le domaine professionnel, artistique, littéraire, musical... ou encore dans le domaine spirituel.

Ici vous découvrez, à la base de cet œuf : un carré et la trace des dix doigts qui à deux mains enserrent l’œuf. Ce carré exprime encore et toujours ce matérialisme latent, inévitable. Le pouce de la main droite s’imprime sur ce carré pour mieux nous montrer combien nous sommes pressurisés par ce monde qui nous entoure. Cependant, au sommet de cet œuf, comme vous le voyez, on retrouve l’escalier de la vie.... Espérance...

J’ai créé de nombreuses pièces sur ce thème de l’Ascension. En effet, elle participe grandement à ma démarche spirituelle.

Après sa Résurrection, lors de son Ascension, JESUS a disparu du regard des hommes et de cet enchainement est née la FOI, ma FOI, autant celle que je reçois que celle que je confesse. C’est ma parfaite adhésion à ce mystère qui me pousse à aller vers l’infini , à gravir cet escalier, chemin de LIBERTE.

Par cette quête, voilà UNE FOIS ENCORE redéfinie ma recherche spirituelle, j’essaie de la poursuivre dans TOUTES mes créations, très souvent je prie DIEU qu’il me guide sur Son chemin et je lui demande que « Sa volonté soit faite et non la mienne ».

Vous aurez compris que sculpter pour moi : c’est une prière. En tout cas c’est un recueillement intense, en même temps c’est une évasion extraordinaire, comme si le sculpteur parfois ce n’était pas moi mais un autre moi : c’est un peu comme si j’étais la main de quelqu’un d’autre. C’est peut-être pour cet Autre que je sculpte.

Quand j’arrive dans mon atelier, j’essaie de me préserver un temps d’intériorisation avant de travailler. Inspiration, réflexion, recueillement, ou les trois confondus : c’est la genèse de ma création.

Mais, je peux aussi bien être inspirée dans le métro ou pendant l’office ou même au milieu de la nuit... il n’y a pas de règle et il m’arrive de sortir un carnet et de griffonner un petit croquis... ou prendre des notes.

Un point est particulièrement important : remplir ma vie, surtout ne pas être inutile. Si j’existe... il y a bien une raison quelque part. Sculpter c’est peut-être la mission qui m’a été donnée, un devoir... j’ai été très frappée à mes débuts de sculpteur par la remarque de l’une de mes amies qui avait perdu un bras dans un accident. Je lui faisais part de mes doutes, de mes découragements dans mon travail et elle m’a regardée dans les yeux me disant « Odette, tu n’as pas le droit ! » quelle leçon j’ai reçue ce jour-là ! Merci Michèle !

Et, peu de temps après, lors de ma toute première exposition personnelle en 1992 j’avais écrit à l’attention, à l’intention aussi, des visiteurs :
« Tu as entre tes mains le devenir du monde, tu as dans ton regard le soleil de demain : l’ Espérance ». Chacun de nous en effet peut, s’il le veut bien, sans être nécessairement sculpteur ETRE PORTEUR D ESPERANCE.

Je vous disais, au tout début de mon exposé que, j’ avance au gré de mes RENCONTRES et, lors de ma première exposition en Hommage à SENGHOR, j’ai rencontré en 1995 Ariane GRENON, critique d’art. Elle a écrit à propos de SENGHOR et de moi : « il y a une affinité profonde entre ces deux œuvres, celle du verbe et celle de la matière. C’est le même message d’êtres doués de ces yeux intérieurs... La vie, l’espérance que nomme SENGHOR ne seraient-elles pas le matériau même du sculpteur Odette LECERF ».

Je me permets de vous redire que la plupart de mes sculptures, me sont inspirées par le sacré et je relisais récemment sous la plume de Jérôme COTTIN une phrase que je serais très heureuse d’appliquer à mon travail : « Ce sacré n’est pas une fuite hors du monde et des sens ; il est immanent, présent dans toute forme. Mais il faut le percevoir avec les yeux intérieurs » .

Les yeux intérieurs en effet participent à la recherche spirituelle de chacun de nous, en tout cas de la mienne. C’est comme l’affirmation du petit Prince « on ne voit bien qu’avec son cœur »...

Je lisais ces jours derniers dans cette toute nouvelle revue d’art que je vous recommande : "ARTS SACRES", une affirmation de Pierre SOULAGES à propos du SACRE et j’aime bien cette phrase : « le sacré .... C’est une dimension de l’homme, cela fait partie de la nature humaine... et Soulages continue en disant : le Sacré je sais que cela m’habite. C’est tout ce qui dépasse la vie de tous les jours, tout en étant dans la vie de tous les jours. ».

Ma toute dernière œuvre, dépasse grandement la vie de tous les jours. Elle est fortement empreinte de mysticisme, je l’appelle,

Etty HILLESUM

en souvenir de ma récente lecture de l’ouvrage « Une vie bouleversée » dont elle est l’auteur. Il s’agit d’une autobiographie d’une jeune juive, qui va mourir en camp de concentration avec toute sa famille. Elle ne se plaint à aucun moment de son sort. Elle prie pour DIEU.
C’est ce fait de prier POUR DIEU qui m’a grandement interpelée... oui, combien DIEU doit être parfois déçu de ses fragiles créatures ! ... depuis cette lecture, parfois, je prie pour LUI...

Dans cette oeuvre, je voulais, au départ, simplement montrer la fragilité de l’être, sa vulnérabilité. Dans le dessin puis dans l’ébauche en terre...l’œuvre finale s’est bien éloignée de l’ébauche. Voilà un bel exemple de lutte avec la matière... Après l’ébauche donc, j’ai abordé la pierre. C’est la plus dure que j’ai jamais travaillée.... (j’ai mis une semaine, en sciant tous les jours, pour lui donner simplement son assise). cette assise bien précaire de l’œuf- être-humain en fragile équilibre sur la main qui l’a créé, c’est un peu l’expression de notre vie...... Lorsque j’ai abordé l’œuf/visage au sommet de cette grosse main, ce visage portait un regard voilé ..... serait-ce encore un cadeau de la Création ?

Toutes les interprétations sont possibles ... j’ai souvenir d’une photo de sépultures des 4/5ème siècles avant JC où les visages, en tout cas les yeux étaient voilés. ... Si quelqu’un parmi vous peut me donner une explication, je serais ravie.

Cette œuvre n’a encore jamais été montrée au public. C’est une œuvre « difficile » et particulièrement engagée, et vous l’avez compris, je continue encore à la travailler et aussi à lui chercher un nom plus significatif encore.

Avant de conclure, je veux vous présenter maintenant une œuvre dont le nom est une évidence
« La CROIX DE RESURRECTION » de l’église SAINTE REINE à Levallois. Cette œuvre doit être analysée de près, ce n’est pas une croix ordinaire.

D’abord, elle est faite de deux formes ovoïdes qui se complètent, l’une verticale et l’autre horizontale.
Le Christ a quitté la croix, il est vraiment Ressuscité.. Son corps, ses bras sont en creux , il n’est plus là et vous pouvez observer que ses bras sont maintenant sur la porte d’entrée de l’église. Ses bras nous accueillent. Il est venu jusqu’à nous, il nous attend, il nous tend les bras comme le père de l’Enfant Prodigue.

A ce propos..... L’ Enfant Prodigue avait suivi sa vie, son instinct sans aucune contrainte : libre !!... aussi, je termine mon exposé par cette dernière sculpture qui donne bien cette idée de LIBERTE :

« VERS L’INFINI »

Elle est le résumé de ma démarche spirituelle et en même temps une ouverture vers une nouvelle recherche.
La main de DIEU en bronze nous guide telle une barque : la voile de pierre est mobile. Je la guide pour l’orienter dans la direction où je souhaite aller. DIEU me laisse libre d’aller là où je veux. Il ne s’impose pas à moi, simplement il se propose... et j’ajouterai aussi que c’est peut-être cette possibilité de CHOISIR ma VIE qui me rend LIBRE.

En tout cas, LIBRE de : « Dire de mes mains ce que mes mots ne savent pas exprimer » soit par maladresse, oui souvent par maladresse, ou par manque d’à-propos ou même les deux...

C’est peut-être finalement les deux raisons POURQUOI et POUR QUI je sculpte, pour m’exprimer autrement que par des mots...

Octobre 2009