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Bibliothèque (1990-2022)

Le regard et la Parole

Une théologie protestante de l’image

Auteur : Jérôme COTTIN

Ce livre est la thèse de doctorat que l’auteur a soutenue à l’Université de Genève en 1993.

Pour la première fois, la question des images dans le protestantisme est traitée de manière la plus complète possible, en combinant différentes approches et en analysant de multiples sources. Le projet général de l’auteur est de réévaluer l’image au sein du protestantisme, en montrant qu’une juste utilisation des images peut être compatible avec une théologie de la Parole.

Dans une première partie, l’a. cherche à définir ce qu’on appelle aujourd’hui une image. Pour cela, il s’appuie sur les sciences humaines, en particulier la sémiologie et la sociologie, pour montrer que l’image est devenue une forme de langage, avec ses règles sémantiques propres. Plus grand chose à voir avec l’idole biblique, donc. Il met aussi l’accent sur l’évolution des techniques de reproduction en série qui, à partir de la photographie, ont permis de démultiplier l’image à l’infini, pour le meilleur ou parfois le pire. Il consacre également un chapitre à se confronter à la thèse (et au livre) pamphlétaire de Jacques Ellul, La Parole humiliée.

Vient ensuite une seconde partie, conséquente, consacrée à une évaluation théologique de l’image. Deux lieux classiques de la Bible consacrés à l’image sont étudiés : l’interdit de l’image du second commandement de la Loi de Moïse (Ex 20 ; Dt 5), ainsi que « l’humain à l’image de Dieu », l’Imago Dei, (Gen 1, 26-27). L’auteur confronte ainsi l’image aux trois personnes de la Trinité que sont Dieu le Père, le Fils, et le St-Esprit. Il en arrive à conclure que l’on peut fonder une juste utilisation de l’image à partir de la troisième personne de la Trinité, le Saint-Esprit : l’image, c’est l’invisibilité de Dieu qui permet de voir, qui rend visible. On ne va ainsi pas du visible à l’invisible, comme dans le scolastique médiévale, mais à l’inverse de l’invisible au visible. Sur la base même des Ecritures, on peut envisager une approche positive, prudente, éclairée, non idolâtre des images dans le domaine de la foi.

La troisième partie est historique : les sources de la Réforme et de l’iconoclasme sont revisitées. L’a. définit et étudie l’iconoclasme, mouvement d’insurrection populaire qui a sévit surtout en France et en Suisse au 16e siècle. Il scrute ensuite la position des trois principaux Réformateurs, Luther, Zwingli et Calvin. Ils eurent des positions très différentes concernant les images, et parfois radicalement opposées (Luther contre Zwingli). Mais tous les Réformateurs se caractérisent par une approche prudente, réfléchie, à l’inverse des mouvements populaires. Luther accueille l’image, mais il n’est guère sensible à l’esthétique. Pour Calvin c’est l’inverse : il refuse l’image, mais est sensible à la beauté, et d’abord à la beauté de Dieu. En fin de compte, et c’est l’un des paradoxes que souligne ce travail, on peut sans doute fonder une esthétique de la foi plus facilement à partir de Calvin que de Luther.

Il resterait à envisager les conséquences de cette réévaluation pour la pensée et la pratique de la foi aujourd’hui, ainsi que pour le dialogue avec la culture actuelle, submergée d’images.