L’histoire de la construction de ce nouveau monastère a été mise par écrit (sous forme poétique et spirituelle, et avec de nombreuses illustrations), par Sœur Marie Claire Sachot, De l’utopie à l’audace de la foi, Chemin des clarisses, de Besançon à Ronchamp, 2015, 118pages
L’aventure folle de quelques sœurs clarisses qui lancent en 2006 un projet d’une nouvelle présence auprès des pèlerins et touristes venus du monde entier voir la chapelle du Corbusier. Elle font pour cela appel à Renzo Piano, l’un des architectes les plus célèbres, afin qu’il construise un monastère adapté à la topographie et à la spiritualité du lieu.
Cliquer sur les photos pour un agrandissement
Lien : La chapelle de Le Corbusier à Ronchamp (1950-1955)
Qui est Renzo Piano ?
Il est sans doute l’un des architectes les plus célèbres de la fin du siècle dernier et de ce début de XXIe siècle. Italien, né à Gênes en 1937, sénateur à vie de la République italienne à Paris depuis 2013, il dirige toujours un important cabinet d’architecture à Paris. Les sœurs du monastères l’ont décrit comme un homme à l’écoute, d’une extrême simplicité, et habité par une spiritualité discrète, mais réelle.
Il est le constructeur des réalisations architecturales suivantes, sur les trois continents : Europe, Amérique du Nord, Asie-Pacifique :
La communauté des sœurs clarisses de Besançon, vieillissante et peu nombreuse comme la plupart des communautés religieuses en Europe, a eu le courage de se lancer, il y a quelques années, dans un nouveau projet novateur, évangélisateur, spirituel et...architectural.
Cette communauté a fait le choix - guidé en cela par l’Esprit Saint novateur et créateur - de quitter son monastère de Besançon, devenu trop grand, peu fonctionnel, vétuste et excentré, pour aller vers les gens, vers un lieu où se trouve la vie, la rencontre, la quête de Dieu, la nature.
Il leur a été proposé de venir sur la colline de Ronchamp, dans un cadre naturel exceptionnel, au pied de la très célèbre église du Corbusier, classée maintenant patrimoine mondial de l’UNESCO. L’association propriétaire des lieux est en effet une association laïque, soucieuse de garder dans ces lieux l’esprit de pèlerinage, c’est-à-dire de quête spirituelle et communautaire à l’origine non seulement de la chapelle du Corbusier, mais des chapelles qui, depuis les temps les plus anciens, l’ont précédée.
Le livret indiqué dans la colonne de gauche, mais aussi les témoignages oraux que nous avons recueillis racontent les très nombreux obstacles auxquels la communauté a dû faire face, avant d’arriver au magnifique résultat que l’on peut voir et que l’on peut habiter aujourd’hui, puisque la communauté accueille des personnes et petits groupes pour des temps de retraites.
Il y eut des moments où les longs mois de préparation, le montage des dossiers, la recherche de financements, les polémiques et oppositions à faire taire, furent des véritables chemins de croix ou traversées du désert.
Le bâtiment extérieur et intérieur
Ce qui émerge de l’intérieur de la colline n’est qu’un aspect du monastère, puisque une partie du bâtiment se trouve sous terre. Les grandes verrières permettent une communication entre l’extérieur et l’intérieur. Elles sont structurées par des lignes verticales, permettent à la fois de contempler le paysage extérieur dans toute sa beauté, et d’être préservé des regards pour garder une certaine intimité. Il ne s’agissait pas de bâtir un hall d’exposition, construit uniquement en verre et structure métallique. Du reste le béton - allusion à la voûte de l’église du Corbusier - est très présent, sous forme de plaques rectangulaires d’un gris chatoyant, qui structurent l’ensemble.
L’aménagement intérieur est marqué par la sobriété, la fonctionnalité et la lumière : une lumière vive, qui passe par les verrières pour les pièces donnant sur l’extérieur, et par des puits de lumière en hauteur (autre allusion indirecte au Corbusier) pour les pièces arrières, creusées dans la colline.
La couleur orange unit tous ces lieux, et crée un joli contraste avec le joli gris neutre du béton armé à nu (mais un béton très soigné).
L’oratoire
C’est la pièce maîtresse de l’ensemble, mais il est de dimensions modestes, lui aussi en partie sous terre. D’emblée, ce qui attire le regard sont deux éléments : - un "chœur" d’une extrême sobriété (ce pourrait être un temple protestant) : le mur de face est, comme ceux des côtés, en béton brut.- Puis il y a le puits de lumière derrière l’autel, qui a une fonction à la fois pratique, plastique et théologique. La lumière solaire, extérieure, se transforme en "lumière divine", qui évolue en fonction des heures de la journée et du cycle des saisons. Comme la liturgie.
Last but not least, Renzo Piano a aussi construit la porterie, lieu d’accueil (des pèlerins et des touristes), réalisé selon les mêmes caractéristiques que le monastère, mais en contrebas, ce qui donne une unité à l’ensemble.
On peut ainsi penser que les amoureux d’architectures contemporaines, dans le futur, ne viendront plus simplement pour voir la seule architecture du Corbusier, mais aussi celle de Renzo Piano. Ce dernier fera-t-il un jour de l’ombre au premier ? Je ne le pense pas, car le monastère de Renzo Piano, ainsi l’ont voulu les sœurs et les membres de l’Association propriétaire des lieux, se caractérise par sa discrétion, son aspect quasi invisible, son intégration aux lieux (aussi bien la nature, la colline que l’édifice du Corbusier).
Jérôme COTTIN