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Art contemporain

Deux oeuvres contemporaines dans la cathédrale d’Ely (près de Cambridge, GB)

L’une des plus grandes cathédrales médiévales d’Angleterre accueille deux oeuvres contemporaines

Sur la face Nord intérieure de la tour Ouest (66m) de la cathédrale d’Ely, petite ville située à 25 km au Nord de Cambridge, se trouve cette étrange sculpture de 11 mètres de hauteur, en aluminium peint.

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Jonathan Clarcke, The Way of Life (Le chemin de la vie), 2001

Il s’agit d’une oeuvre de Jonathan CLARCKE, intitulée The way of life (Le chemin de la vie)., et réalisée en 2001.

Cette esthétique contemporaine tranche avec le style artistiques de la cathédrale, qui combine le roman, le gothique anglais (et parfois le néo-gothique du 19e siècle).

 Il n’est pas besoin d’un très long commentaire pour comprendre le sens à la fois théologique et esthétique de cette oeuvre contemporaine.
 Esthétiquement, on est comme aspiré par cette ligne courbe ascendante, qui nous amène à lever les yeux vers la hauteur vertigineuse de la tour Ouest, et vers les voussures des colonnes qui la supportent. Par ailleurs les lignes sobres, le matériaux simple, reprennent, à l’époque contemporaine, l’esthétique romane qui caractérise le porte et la façade de la cathédrale.
 Théologiquement, cette oeuvre à un double sens : la ligne courbe symbolise un chemin, une route tracée que l’on suit, et qui mène à la croix. Une croix grecque (les 4 côtés sont égaux) qui signifie aussi les 4 points cardinaux, donc l’ensemble de la terre habitée. Cette croix, éclairée par les verrières du haut de la tour ainsi que par une discrète lumière artificielle symbolise évidemment la résurrection. La ligne courbe peut aussi signifier autre chose : elle évoque le serpent tentateur de Genève 2-3. Ici, il n’est plus dans l’arbre de la tentation, mais il butte contre la croix. Ainsi pourrait être évoquée métaphoriquement le verset de Paul : "La où le péché abonde, la Grâce surabonde".

David Wynne, Marie-Madeleine reconnaît Jésus (Jean 20, 15-18), 1967

- La deuxième œuvre contemporaine (quoique déjà plus ancienne) est un ensemble de deux sculptures de bronze, dues à David Wynne. Il traduit en des formes plastiques en trois dimensions l’étonnante rencontre entre Marie-Madeleine et le Christ ressuscité, qu’elle prend pour un jardinier. L’épisode est raconté en Jean 20, 15-18 (et seulement dans cet évangile).
 Une sculpture est faite pour tourner autour. En tournant autour de ce groupe, les personnages s’animent, et l’on a l’impression de refaire le double geste, étonnant, de Marie-Madeleine qui, dans le texte, se retourne deux fois (v. 14 et v. 16) (On ne sait pas si c’est en direction de Jésus, ou au contraire si elle lui tourne le dos pour ne pas le voir). Le bras droit de Marie-Madeleine semble la protéger de la vue du Ressuscité, comme pour signifier que la reconnaissance de Jésus est liée à l’écoute de sa parole qui la nomme par son nom ("Jésus lui dit : ’Marie’", v.16), non à la vue de son aspect physique, qui ne peut qu’être source de confusion (v. 14).

 Jésus, quoique représenté de manière assez moribonde, est désigné comme étant le Ressuscité par les plaies de ses mains et de ses pieds : il est bien celui qui a été crucifié sur la croix, avant de revivre au troisième jour. Ses bras levés désignent plastiquement sa parole du v. 17 : "Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père". En même temps, ses bras levés désignent la magnifique coupole octogonale qui se situe à la croisé du transept, prouesse d’architecture de ce lieu (huit piliers imposants supportant 200 tonnes de bois, plomb et verre qui semblent suspendus dans l’espace). Ces bras levés ont ainsi une double signification : ils désignent la parole biblique, et la prouesse architecturale.
 Personnellement, je suis plus sensible à la représentation de Marie-Madeleine, qu’à celle du Ressuscité, qui me gêne : sans doute est-ce lié à ma tradition réformée, qui fait que l’on ne représente pas le Christ, ni en tant que personnage historique, encore moins en tant que Ressuscité. Par contre, Marie-Madeleine, par sa position à la fois fragile et étonnée, dit bien la réalité de la Résurrection et son appropriation soudaine par et dans une figure d’humanité.

Jérôme Cottin