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Coups de cœur

Le chant de la création (nov. 2008)

Exposition de 4 artistes dans le temple de l’Eglise réformée de Levallois (92)

L’Eglise réformée de Levallois a exposé dans son temple (classé monument historique) 4 artistes contemporains pendant le mois de novembre 2008, autour du thème du "Chant de la création". L’Eglise réformée de Levallois voulait ainsi, par la beauté, s’associer à l’année Calvin ; elle voulait aussi attirer l’attention sur le patrimoine artistique de ce temple dont l’intérieur est entièrement en bois sculpté, et qui possède d’impressionnantes verrières. Ce projet était, enfin, l’occasion de s’ouvrir sur l’extérieur, sur la cité, dans la mesure où la Galerie arte Viva exposait dans le même temps des oeuvres de ces 4 mêmes artistes. Cliquez sur les photos pour un agrandissement.

le temple de Levallois
La pasteure Valérie Mali
Le fond du temple
accueille des oeuvres
oeuvres dans le choeur
Vernissage
Beaucoup de monde

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Exposition des oeuvres des mêmes artistes à la galerie Arte Viva, à Levallois-Perret.

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Nous vous présentons quelques unes de oeuvres de ces 4 artistes :

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Odette LECERF

Odette LECERF

Une masse de pierre gisait quelque part, amorphe et sans vie. Un sculpteur, par chance, la trouva. Et perçu en elle une forme enfouie sous une masse inutile de pierre. Il prit d’une main un ciseau, de l’autre un marteau. Taillant et sculptant, il enleva la masse inutile. Et maintenant regarde. Elle s’est transformée en une merveilleuse figure, (...). Toi mon Seigneur tu es l’artiste, ton art est inspiré par l’amour. Donne-moi la faculté de le comprendre. Que la peau de l’ignorance tombe de mes yeux.

BHAI VIR SINGH. Texte sihk proposé par Michel Delahoutre pour illustrer les oeuvres de Odette Lecerf.

Le chant de la création I
Lumière
Visitation
La guérison du lépreux

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Anne POURNY

En transparence sur la porte de verre marquant le passage entre le profane et le sacré, de longs calicots translucides en textile non tissé portent les symboles de l’Eglise et du baptême. L’eau est omniprésente, avec la double intention de purifier et de vivifier. Le poisson (symbole du Christ) s’inscrit dans le cercle (le ciel) lui-même inscrit dans le carré (la terre). Il montre ainsi que l’humanité est reliée à la divinité.

Pourquoi dans ce temple ?
Parce que l’oeuvre d’art peut y parler autrement. Parce qu’en touchant l’intériorité et la sensibilité de celui qui regarde, elle favorise la réflexion, le dialogue, peut-être la prière

De jailli ! la lumière
peinture sur textile non tissé
croix
peinture sur textile non tissé

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Hanna SIDOROWICZ

Hanna SIDOROWICZ

Avec ses anges, Hanna Sidorowicz effectue sa propre traversée de la théologie de l’esthétique. Lorsque le mythe recule, et avec lui une esthétique "angélique", Hanna réinvestit un lieu délaissé. Cet espace où l’oeuvre et l’ange n’ont fait qu’un, ou plutôt l’espace vide entre les deux, elle le réinvestit d’un sens nouveau, un sens qu’elle construit par ses moyens picturaux, dans le vif de la matière.

Un lieu disponible à une spiritualité dont il est besoin de réaffirmer la présence. Peindre les anges aujourd’hui, c’est discuter autant avec l’esthétique qu’avec la théologie, et Hanna le fait, consciente d’un nouvel intérêt que la légende des anges revêt pour notre situationn présente... Les anges d’Hanna sont donc autant une invention sur des concepts d’esthétique, qu’une affirmation de l’humanisme qui se dégage du dialogue avec les symboles de la tradition des anges. Peindre les anges, c’est finalement chercher une unité de l’oeuvre d’art, du symbole et du message, ce que l’on peut aussi exprimer en disant que les peintures d’Hanna Sidorowicz sont des oeuvres devenues messagers d’une nouvelle symbolique. Leszek Brogowski.

Les anges
triptyque
La Cène

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Cosabeth PARRIAUD

Les oeuvres que construit Cosabeth Parriaud sont faites de tissus assemblés, superposés, gaufrés, qu s’imprègnent dans ses compositions abstraites qu’elle tente continuellement d’épurer.

Atlantiques
polyptique
J. Cottin et C. Parriaud

Le travail de peinture rejoint celui du fil, les techniques sont multiples. Certains effets de transparence nous invitent à nous plonger dans ses pièces lumineuses qui, tels des vitraux, trouvent naturellement leur place dans ce temple. La couleur est omniprésente, c’est l’élément moteur de cette plasticiennne qui nous entraine dans son univers où le choix du support textile donne à ses pièces une grande liberté de mouvement, et nous fait partager ainsi son optimisme.

Rare est la couleur dans l’Eglise réformée, et certains protestants furent chronophobes. Mais l’austère Calvin, dont nous fêtons les 500 ans de la naissance en 2009, ne disait-il pas : "Pensons-nous que notre Seigneur eût donné une telle beauté aux fleurs, laquelle se présentât à l’oeil, et qu’il ne fut licite d’être touché de quelque plaisir en la voyant ?"

Création du monde (Gn 1) et création artistique

vitraux du choeur

Prédication du pasteur Jérôme Cottin, le dimanche 23 novembre au temple de Levallois.
Textes bibliques : Genève 1 ; Romains 8

Le titre de l’exposition, Le chant de la création, suggère un lien entre la création artistique - en l’occurrence l’exposition de 4 artistes dans ce temple, et la création du monde tel que le premier chapitre de la Genèse nous la raconte.
Un lien entre ces deux créations est-il possible, pensable ? Et si oui, quelle est la nature de ce lien ? C’est ce que nous allons explorer.
Je ferai d’abord quelques brèves remarques sur le récit biblique de Genèse 1 ; puis je commenterai brièvement les œuvres d’art qui nous entourent ; enfin j’explorerai le lien possible entre ces deux créations.

A. Genèse 1 :

 1. Il s’agit bien d’un "chant", plus précisément d’un poème : une strophe structure ce texte poétique : Et Dieu que cela était bon (Gn 1, 10.12.18.21.25)
 2. Dieu crée ; il est le créateur. Mais il crée à partir de rien (création ex nihilo). Il est un super-créateur, à trois niveaux : - Il crée la matière ; - Il transforme cette matière en éléments de la création ; - Il crée du vivant (humains, végétaux et animaux).
 3. Cette création est à la fois bonne et belle (même mot en hébreu, le mot "tov"/"tob").
 4. L’humain est du côté des créatures, non du côté du créateur. Lui aussi est créé par Dieu. Il est marqué par la passivité, en ce qu’il reçoit tout de Dieu. Sans son créateur, il n’est rien.

B. L’exposition Le chant de la création :

 1. Diversités des œuvres exposées : - Diversité des matériaux : pierre (Odette Lecerf) ; tissus (Cosabeth Parriaud) ; peinture (Hanna Sidorowicz) ; peinture (Anne Pourny). - Diversité des styles : figuration (H. Sidorowicz) ; semi-abstrations, symboles (O. Lecerf ; A. Pourny) ; abstraction (C. Parriaud). - Couleurs (C. Parriaud, A. Pourny) et absence ou quasi absence de couleurs (H. Sidorowicz ; O. Lecerf)

 2. Allusions aux récits et figures bibliques : - Allusion au récit biblique de la création (Genèse 1) : lumière ; eau ; ciel/terre (A. Pourny). - Allusion à Dieu : Anges (H. Sidorowicz ; O. Lecerf) ; main de Dieu (O. Lecerf) ; symbole du poisson (A. Pourny). - Allusions à l’humain devant Dieu (O. Lecerf)

C. Comment articuler ces deux créations (celle de Dieu et celle des artistes) ? :

Peut-on mettre ces deux créations en relation, situer la seconde dans la prolongement de la première ? La théologie protestante, sur la base de la Bible, dit clairement NON. Un non clair et sans ambiguïté, et cela essentiellement pour deux raisons :

 1. Dieu seul est créateur versus l’humain est créature. Dieu est créateur versus l’humain est artisan ou artiste. Faire de l’humain un créateur sur le modèle de Dieu le créateur reviendrait à affaiblir la différence fondamentale -structurante pour la foi - entre Dieu et l’humain. Cela inciterait à attribuer à l’être humain des qualités divines. Mais, me direz-vous, l’être humain, dans ce même récit de Genèse 1, est bien créé "à l’image de Dieu" (Gn 1, 27). Oui, mais cette image originelle n’existe plus, elle a été brisée, du fait même de l’être humain. C’est là qu’intervient la seconde objection, toute aussi fondamentale que la première :

 2. L’être humain fut - dans ces origines mythiques - "à l’image de Dieu" ; mais il ne l’est plus. Il a lui-même brisé cette image (Gn 2-3) ; il l’a déformée, détruite ; remplacée par ses actions idolâtres. C’est ce que la Bible appelle le "péché" : recherche du profit personnel ; avilissement ou exploitation du prochain ; violence et mensonge ; oubli de Dieu ; orgueil démesuré ou jalousie. On voudrait croire qu’il s’agissait de l’homme de l’époque de la Bible, de l’être humain des temps jadis, qui n’a plus rien à voir avec l’homme moderne, l’être humain contemporain. Hélas : il suffit de regarder autour de nous, de lire le premier journal venu pour se convaincre du contraire. Sur ce plan là, l’être humain n’a pas changé. Il y a toujours autant de violence, d’oubli de Dieu et des autres, dans notre monde. Nous vivons toujours à l’époque de "l’image brisée". Nous ne pouvons plus nous nommer "images de Dieu", car ce serait défigurer Dieu. Notre monde est fort éloigné de la création bonne et belle voulue par Dieu. Nous vivons au milieu d’une création amputée, exploitée, inachevée, imparfaite, qui "gémit maintenant encore dans les douleurs de l’enfantement" (Rm 8, 22), pour reprendre une expression chère à l’apôtre Paul.

N’y a-t-il donc aucun espoir ? Les œuvres de la création artistiques ne sont-elles que de l’artisanat sans importance ? N’ont-elles rien à nous dire sur le plan de la foi ?
Après le NON qui témoigne de la séparation assumée entre le créateur et nous, il est temps du rajouter un OUI. Oui, ces œuvres d’art, comme toute action humaine, peuvent retrouver une relation avec la création de Dieu, à travers une médiation, ou plutôt un médiateur : Jésus-Christ.

 1. Si on situe ces œuvres dans l’horizon de Jésus, elles peuvent retrouver un lien - indirect certes, mais un lien quand même, avec la création et donc avec le créateur. Car Jésus est venu rétablir cette relation coupée, amputée, entre nous et le créateur. Non seulement il est lui, "image visible du Dieu invisible" (Col 1, 15 ; 2 Co 4, 4), mais en Christ, nous pouvons à nouveau être appelés images de Dieu. Rm 8, 29 : "Ceux que d’avance il a connus, il les aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils". Cela signifie que les œuvres produites par les humains - le travail, le don, les œuvres d’art, la littérature - ne sont plus forcément idolâtres, ne témoignent plus forcément de ce désir humain de concurrencer Dieu ou de devenir comme des dieux. Ces œuvres produites par les humains peuvent être simplement un témoignage de la présence - souvent intime et cachée - du Christ en nous. "Avec Christ, je dis la vérité, je ne mens pas" dit encore Paul dans l’épître aux Romains (Rm 9, 1). Ces œuvres d’art peuvent entrer en résonance avec l’Ecriture ; tenter de la transcrire, de l’actualiser, de l’intérioriser. Car Christ nous rend libres, et donc aussi libres pour créer.

 2. La Bible ne nous parle pas simplement d’une création passée, périmée en quelque sorte, recouverte par la faiblesse et la violence humaines que la Bible appelle le "péché". Elle nous parle aussi d’une création à venir, d’une nouvelle création. Nous avons même là l’un des thèmes majeurs du Nouveau Testament : l’attente et la venue du Royaume. Voici, je fais toutes choses nouvelles (Ap 21, 5) dit une voix dans l’Apocalypse précisément au moment où apparaît une nouvelle cité, toute décorée de beauté. L’œuvre d’art peut, de la même manière, témoigner de cette espérance, de cette attente d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux (Ap 21, 1). Dans la mesure où l’œuvre d’art contemporaine ne se contente plus d’imiter le monde réel, de le copier, mais cherche au contraire à inventer des formes nouvelles, à nous projeter au-delà de l’évidence de notre monde, alors elle peut être une parfaite métaphore - un commentaire - de cette conviction biblique que le monde changera radicalement lors du retour du Christ dans la puissance et la gloire. Déjà, depuis sa venue, il a attesté de la réalité de ce Royaume - ce monde nouveau à venir - par des paroles fortes, des paraboles, mais aussi par des signes, comme le pain et le vin partagés.

Avec le pain et le vin partagés en présence du Christ, nous avons comme une rencontre, éphémère mais réelle, entre le ciel et la terre, entre l’ancienne et la nouvelle création, en entre Dieu et l’humain, entre l’ancienne image et l’image à venir des temps futurs.
Les objets artistiques ne sont pas des sacrements, c’est pourquoi ils n’ont pas guère de place dans nos temples - on risquerait de les prendre pour des matérialisations du sacré - mais ils peuvent, occasionnellement, et parfois plus durablement - participer au temps de louange autour de l’annonce de la Parole, et même le prolonger, en favorisant l’intériorisation du message d’amour et de pardon de l’Evangile.

Je conclurai avec trois petites citations de Calvin sur la création de Dieu. Une création qu’il voit comme œuvre d’art qui renvoie au créateur. Certes Calvin nous parle de la création avant qu’elle ne soit entachée par les actions irresponsables des humains ; mais dans la mesure où sa description repose sur une expérience personnelle, l’expérience de son émerveillement face à la nature - Calvin nous montre comment le regard des choses belles peut nous aider à penser à Dieu et à l’aimer :

Calvin : "Ce bel ordre que nous voyons entre le jour et la nuit, les étoiles que nous voyons au ciel comme tout le reste, cela nous est comme une peinture vive de la majesté de Dieu".
Et encore :
"Dieu a gravé en chacune de ses œuvres certains signes de sa majesté, par lesquels il se donne à connaître à nous selon notre petite capacité".
Ou encore :
"De quelque côté que nous jetions la vue, il n’y a si petite portion où pour le moins quelque étincelle de la gloire de Dieu n’apparaisse".

Aujourd’hui, nous faisons la même expérience que le réformateur :
"De quelque côté que nous jetions la vue, il n’y a si petite portion où pour le moins quelque étincelle de la gloire de Dieu n’apparaisse".