(Erfahrung und Theologie : Schriften zur praktischen Theologie, Bd./Vol. 32), Frankfurt/ Berlin/ Bern/ NewYork/ Paris/ Wien : Peter Lang, 1999. 464 p. ISBN 3-631-34003-6.
Auteur : Klaus RASCHZOK
« Expérience du Christ et existence artistique : études de théologie pratique sur les autoportraits d’artistes christomorphes ». Le titre et sous-titre de cette thèse d’habilitation, bien que précis, mérite explication.
L’a. a sélectionné un certain nombre d’oeuvres d’art très connues de la fin du XIXe siècle et des deux tiers du XX e siècle, qui ont comme point commun d’être des autoportraits d’artistes « en Christ », ou « en forme de Christ », ou s’inspirant des représentations du Christ. Se sont ainsi représentés - et ont été sélectionnés par l’a. - Gaugin, Emson, Munch, Kublin, Beuys, Falken, Kokoschka, Oppenheimer, Barlach, Nolde, Beckmann, Corinth, Jawlensky, Chagall, Kahlo, Bacon, Rainer. Parmi ces peintres, bon nombre d’expressionnistes allemands. Le modèle de ce genre est évidemment le fameux autoportrait de Dürer en Christ, datant de 1500, et qui se trouve à la Alte Pinakothek de Munich.
L’auteur analyse très précisément ces oeuvres dans leur contexte socio-culturel, s’interroge sur leur pertinence théologique et biblique, puis explore à partir d’elles de nouvelles perspectives de psychologie et de théologie pastorale. Travail pluridisciplinaire donc, aux confins de l’histoire de l’art, de la théologie et de la psychologie. La partie biblique est aussi sérieusement documentée que la partie esthétique : l’a. explore les concepts pauliniens de l’eikon, du Christ image de Dieu de l’identification avec du croyant avec le Christ (mystique paulinienne), puis s’attarde sur des figures et moments de l’histoire de l’Eglise : François d’Assise, la piété médiévale de l’Imitatio Christi, la figure combattante et exemplaire du Christ dans les écrits et les images de la Réforme, l’expérience mystique de Luther ; il s’attarde ensuite sur la Nachfoge Christi de Bonhoeffer, pour revenir ensuite à l’idée chère à la Renaissance de l’identification de l’artiste avec le créateur, donc le Christ. C’est dans ce cadre là qu’il analyse longuement l’autoportrait de Dürer (pp. 327-348).
Enfin, il propose trois modèles de psychologie pastorale dont le but est de permettre une transition entre les oeuvres d’art et les expériences contemporaines et individuelles de la foi. L’idée centrale de l’a. est que ces autoportaits christomorphes sont l’expression d’une relation de plus en plus personnelle et individuelle du croyant (voire du non croyant) au Christ, et peuvent donc servir de modèle pour penser aujourd’hui la foi dans un monde individualiste et sécularisé.
On reste toutefois sur notre faim. Quelques points essentiels de cette problématique n’ont pas été traités ni évoqués par l’a. : Pourquoi par ex. n’y a-t-il plus d’autoportraits christomorphes contemporains ? Tous les artistes étudiés commencent en effet à dater. Ce modèle est-il si général que l’a. le prétend ? Ne s’agit-il pas d’un genre spécifique, finalement très limité ? Peut-on alors bâtir une christologie sur ces exemples particuliers ? Faire de ces autoportraits christomorphes la base d’une nouvelle relation au Christ, à l’Eglise, n’est-ce pas substituer l’image à l’Ecriture, la vue à la foi ? Quel statut théologique accorder alors à l’image, à l’oeuvre d’art ? L’a. n’en dit mot. Et puis, ces images sont-elles réellement toutes christomorphes ?
Dans cette thèse très documentée, il manque peut-être une réflexion sur le statut théologique de l’image, ce que la bibliographie, au demeurant immense, semble confirmer.